Historique
Des ailes elliptiques… une verrière bombée… Un moteur au son chantant… Un ingénieur mort à la tâche… Une légende associée à la bataille d'Angleterre… Vous avez tous reconnu le plus fameux des chasseurs de la Seconde Guerre mondiale, un des plus célèbres avions de combat au monde : le Spitfire.
Le Spitfire (soupe-au-lait, colérique) fut développé en grande partie à partir du Supermarine 300. Celui-ci était un dérivé du Supermarine 224, concurrent malheureux du Gladiator lors de l'appel d'offres F7/30. Malgré l'expérience acquise avec les succès du S.6B de la coupe Schneider, conduisant à un train d'atterrissage rétractable et une envergure réduite, le Supermarine 300 fut de nouveau refusé par l'Air Ministry en juillet 1934.
L'ingénieur Mitchell ne se découragea pas et proposa une version à habitacle fermé et doté du moteur Rolls-Royce PV-XII, le futur Merlin. Vickers-Armstrong, le propriétaire de la firme Supermarine, appuya le nouveau concept. Le 1er décembre 1934, l'Air Ministry approuva le concept et émit une spécification le 3 janvier 1935, la F10/35, taillée sur mesure. Cependant, les deux mitrailleuses Vickers de 7,7 mm furent remplacées par 4 mitrailleuses Browning du même calibre en avril 1935.
A l'époque, et malgré l'apparition de chasseurs de même catégorie (construction métallique, monoplan à ailes basses, train rétractable, habitacle fermé, dotés de moteurs en ligne à refroidissement liquide comme le Bf-109 ou le Dewoitine D-520), la menace semblait surtout venir des bombardiers. C'est pourquoi l'appareil fut d'abord conçu comme intercepteur à court rayon d'action. Le Spitfire, lui, avait un fuselage de type semi-monocoque en duralumin.
L'unique prototype, codé K5054, effectua son vol inaugural le 5 mars 1936, à Eastleigh, c'est-à-dire à Southampton. Son pilote, le Captain Joseph "Mutt" Summers, conclut son vol en disant "ne touchez à rien", et ce après un vol de seulement 8 minutes.
On n'écouta pas le pilote d'essais, et on changea l'hélice, puis le moteur, puis de nouveau l'hélice. Et là, le Spitfire se montra supérieur au Hurricane contemporain. Le pilote de la RAF Flight Lieutenant Humphrey Edwardes-Jones réclama seulement un indicateur pour la position du train. Une semaine plus tard, le 3 juin 1936, 310 Spitfire furent commandés par l'Air Ministry.
Le Spitfire fut dévoilé pour la première fois au public le 27 juin 1936, à Hendon. Mais sa production se révéla complexe, et donc lente. Son aile de forme elliptique y est sans doute pour quelque chose. Il faut dire aussi que Supermarine construisait des avions pour d'autres firmes telles que Walrus, ou le Beaufighter. Malgré tout, 200 exemplaires furent commandés le 24 mars 1938. Le premier Spitfire de série ne vola que le 15 mai 1938. Entretemps, son concepteur mourut prématurément en 1937.
Dès 1935, l'Air Ministry approcha plusieurs fabricants, dont Morris Motors Limited, pour leur demander de construire le Spitfire. La Castle Bromwich Aircraft Factory, filiale de Morris, construisit des Spitfire en série à partir de 1940. Elle construira un peu plus de la moitié du total de Spitfire construits.
Le Spitfire entra en service au sein de la RAF le 4 août 1938, au sein du 19e squadron à Duxford. Le premier combat du Spitfire date du 6 septembre 1939, où il descendit… 2 Hurricanes. La RAF installa d'urgence des IFF après l'accident. Il abattit 2 Ju-88 sur 9 le 16 octobre. Le Spitfire fut ensuit engagé dans le ciel de Hollande et lors de l'évacuation de Dunkerque.
Le Spitfire acquit ses lettres de noblesse lors de la bataille d'Angleterre (10 juillet-31 octobre 1940). Lors de la bataille d'Angleterre, le Spitfire eut d'abord à souffrir de l'attaque contre ses usines de production. Heureusement, celles-ci furent dispersées à travers tout le Royaume-Uni. Même si l'on a quelque peu réduit son rôle depuis (moins nombreux que le Hurricane, moins de victoires), il n'empêche que le Spitfire eut un rôle de premier plan lors de cette phase de la Seconde guerre mondiale. Il eut un taux d'attrition plus faible et remporta tout de même 42 % des victoires sur 2739 pertes ennemies. Il y fut également engagé comme chasseur de nuit (Spitfire I, II et V).
On le verra ensuite sur tous les fronts de la Seconde guerre mondiale : lors des raids sur la France en 1941-1942, sur la Méditerranée (y compris à Malte, où il remplaça les Hurricane, puis lors de l'invasion de la Sicile), lors du Débarquement, lors de l'invasion de l'Allemagne, dans le Pacifique (où il défendit notamment l'Australie contre les incursions japonaises), au sein de l'Union soviétique (150 Spitifire Vb livrés en 1943, dépassés par le Fw-190 et déjà largement utilisés : ils déçurent les pilotes soviétiques, qui, s'ils le trouvaient supérieur au Yak-1, le lui auraient préféré le Spitfire IX) et même de l'USAAF jusqu'en 1943.
La Luftwaffe en captura un bon nombre qui furent évalués au sein du "cirque Rosarius". Adolph Galland lui rendit hommage à sa manière : à un Hermann Goering qui lui demandait son souhait le plus cher, il lui répondit "une escadrille de Spitfire". Au-delà du rôle de chasse et d'attaque au sol, il se rendit également utile, par ses capacités de vol à haute vitesse à haute altitude, dans des missions de reconnaissance.
Le Spitfire fut utilisé pendant la guerre par l'Afrique du Sud, l'Australie, le Canada, l'Egypte, la France, l'Inde, l'Italie (à partir de 1943), le Portugal, la Turquie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Union soviétique et la Yougoslavie.
Les pilotes belges (2 squadrons), français (7 squadrons), grecs (2 squadrons), hollandais (1 squadron), norvégiens (3 squadrons, dont un de reconnaissance), polonais (10 squadrons), tchécoslovaques (3 squadrons) et Yougoslaves (1 squadron) l'utilisèrent au sein de la RAF.
Après guerre, on retrouvera des Spitfire dans chaque camp lors de la guerre israélo-arabe de 1948 : en Israël (qui provenaient de Tchécoslovaquie), en Egypte et même britanniques. Il fut également engagé lors de la guerre indo-pakistanaise de 1947. Les Birmans l'utilisèrent contre la rébellion. Les Spitfire reprirent du service contre la guérilla malaise.
Il fut utilisé après-guerre par la marine australienne, par la Birmanie, le Danemark, Hong-Kong, l'Indonésie, l'Irlande, Israël, les Pays-Bas, la Rhodésie, la Suède, la Syrie, la Thaïlande et la Tchécoslovaquie.
"Mitchell naquit pour concevoir le Spitfire, et Joe Smith pour le développer", dit une phrase célèbre. En 24 versions et 52 sous-variantes, le Spitfire évolua considérablement. Il faut distinguer les Spitfire propulsés par un moteur Merlin de ceux par un moteur Griffon. De plus, le Spitfire fut menacé par l'apparition du Fw.190 en 1942, ce qui donna naissance à des versions incroyablement plus puissantes.
Les numéros de versions furent donnés en chiffres romains jusqu'à la fin 1942, et les chiffres arabes ne s'imposèrent définitivement qu'en 1948. Ces numéros de versions ne suivaient pas nécessairement un ordre chronologique. Par ailleurs, les subdivisions a, b, c et d correspondait aux ailes installées, en particulier selon le type d'armement.
La subdivision A correspondait à un armement de 8 mitrailleuses M1919 alimentées par 300 cartouches chacune, la subdivision B à un armement de 2 canons HS.404 alimentés par 60 obus et 4 mitrailleuses alimentées par 350 cartouches.
Le type C recevait une aile plus simple à construire, un train d'atterrissage renforcé et un armement plus conséquent, pouvant aller jusqu'à 4 canons alimentés par 120 obus.
La subdivision D concernait les avions de reconnaissances, les réservoirs contenant 300 litres d'essence.
Après 1942, l'aile type E, comportant un armement de 2 canons et deux mitrailleuses M2 alimentée par 250 cartouches, fit son apparition. Elle pouvait éventuellement emporter 4 canons.
Du Mk I d'avant-guerre au F.24 d'après-guerre, le Spifire vit son poids, sa puissance et sa vitesse ascensionnelle multipliés par deux, sa vitesse passer de 582 à 731 km/h, les canons remplacer définitivement les mitrailleuses. Les versions qui marquèrent l'évolution furent principalement le Mk I, le Mk Vb, le Mk IX, le Mk XIV à moteur Griffon, et le PR XIX à moteur Griffon.
5 appareils furent également transformés en hydravions, mais ils déçurent à cause de la dégradation de leurs performances. Le Spitfire sera décliné en version embarquée (Seafire) ou en version plus puissante Spiteful, qui seront abordées ailleurs.
20351 exemplaires furent construits jusqu'en février 1948, ce qui en fit l'unique chasseur britannique à être construit tout au long de la Seconde Guerre Mondiale. Il fut également l'unique chasseur de la Seconde guerre mondiale à être resté le plus longtemps en première ligne, avec sans doute le Bf-109. Sa carrière continua en tout cas jusque dans les années 1950, et seul l'avion à réaction supplanta définitivement ce chasseur conçu et construit avant la guerre. 50 exemplaires sont toujours en état de vol aujourd'hui. En avril 2012, un chercheur espérait retrouver une vingtaine de Spitfire encore démontés dans leur caisses d'origine, enterrées quelque part en Birmanie. Cet espoir fut finalement déçu.
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