Historique
La construction aéronautique soviétique n'était pas qu'affaire d'ingénieurs et de techniciens. Elle était aussi une affaire éminemment politique. Pour imposer ses vues et ses modèles, et pour donner le premier rôle à ses appareils, chaque bureau d'études devait se mêler de politique et se trouver des appuis haut placés. Certains, tel MiG ou Tupolev y réussirent mieux que d'autres, un temps mieux placés puis oubliés. Le bureau Sukhoï oscilla entre les deux tendances. Pavel Osipovitch Sukhoï avait connu la faveur des dirigeants soviétiques dans les années 1930, avant de tomber en disgrâce dans les années 1940.
La mort de Staline, en 1953, lui permit de revenir en grâce. Sa première tâche fut de développer, au profit des VVS soviétiques, un chasseur destiné à opérer près du front, en tirant partie du nouveau réacteur Al-7F conçu par le motoriste Lyulka. De ses travaux allaient naître deux appareils aux fonctions très différentes : l'intercepteur Sukhoï Su-9 (code OTAN :
Fishpot), destiné à la PVO, et le Sukhoï Su-7 (code OTAN :
Fitter).
Le
Fitter fut développé initialement sous la forme d'un unique prototype, baptisé S-1 (la lettre S désignant un appareil à voilure en flèche,
strelovidniy). Celui-ci effectua son premier vol en septembre 1955. Il se révéla suffisamment intéressant (battant notamment un record de vitesse en avril 1956, en atteignant la vitesse de 2 170 km/h) pour qu'on en poursuive le développement. La production d'appareils de présérie fut autorisée dans la foulée.
Le 24 juin 1956, le S-1 fut dévoilé au public lors de la Journée de l'Aviation de Tsushino. Malheureusement, il s'écrasa quelques mois plus tard, victime du manque de fiabilité de son moteur.
Plusieurs modifications menèrent à une amélioration du S-1, le S-2. Une vingtaine de Su-7 servirent à mener des tests supplémentaires, les ingénieurs soviétiques ayant découvert une série de nouveaux problèmes techniques, qu'ils avaient tâché de résoudre au mieux. Les premiers appareils de série entrèrent en service en 1959.
C'est à ce moment-là que la carrière du Su-7 connut un virage serré. En effet, il fut alors décidé que le Su-7 serait remplacé par le MiG-21 en tant que chasseur tactique dans l'aviation de front (FA). A la place, la FA demanda à Sukhoï de convertir son Su-7 en avion d'attaque au sol, en vue notamment de remplacer les Iliouchine Il-10 désormais complètement obsolètes. Il en résulta un nouveau prototype, baptisé S-22, et un nouvel appareil, le Su-7B. Celui-ci obtint sa qualification initiale (IOC) en juin 1960. La première unité qui en fut dotée fut le 642è GvBAP (régiment de bombardement de la Garde), dans le district militaire d'Odessa.
Le Sukhoï Su-7 possédait de nombreuses caractéristiques de la production soviétique de son époque. Sa conception était très simple. L’appareil était pourvu d’une voilure en flèche à 63 degrés et d’une unique entrée d’air dans le nez, avec un cône central légèrement visible. Il disposait d'un train d’atterrissage tricycle, rétractable grâce à un système hydraulique. Le pilote disposait d'un siège éjectable, même si les premiers modèles ne fonctionnaient qu'à partir de 100 mètres d'altitude.
Si le
Fitter était un appareil robuste, les pilotes soviétiques s'aperçurent à l'usage qu'il ne pouvait pas servir à partir de pistes sommaires et qu'il lui fallait aussi des pistes relativement longues, ce qui limitait ses capacités tactiques au plus près du front. Toutefois, il se révéla assez maniable à basse altitude et d’un entretien très facile. Ses problèmes de jeunesse éliminés, le Su-7 devint un appareil populaire auprès de ses pilotes. Cependant, il souffrait de défauts assez gênants.
L’unique réacteur du
Fitter était un Lyulka AL-7F doté d'un système de postcombustion. Ce moteur consommait énormément de carburant, ce qui limitait de manière conséquente le rayon d’action, mais aussi la charge utile. De plus, malgré sa robustesse, il se révéla assez vulnérable aux tirs ennemis. Si l’impossibilité (au départ) d’utiliser des pistes courtes (il fallait au moins 2 400 m de piste à pleine charge) fut supprimée par la suite, l’armement demeura limité. Ses deux canons de calibre 30 mm, 1 dans chaque racine d’aile (le Su-7B n'avait qu'un seul canon), n’emportaient qu’un nombre réduit d’obus.
Pour le reste, le
Fitter ne pouvait emporter que deux tonnes d’armement, essentiellement des paniers lance-roquettes UB-16U-57 de calibre 57 mm et des bombes non-guidées de 250 ou 500 kilos, sur 4 (puis 6) points d'emport. Cette charge se réduisait à une tonne si l’on remplaçait les bombes ou lance-roquettes des points d’emport ventraux par deux bidons de carburant supplémentaires. L'avionique était réduite, comportant essentiellement un système d'identification IFF
SRO-2 Khrom (désignation OTAN :
Odd Rods), un radar d'alerte
Sirena-2 placé dans la queue de l'appareil et un détecteur d'alerte radar.
Pour remédier à toutes ces difficultés, les Soviétiques produisirent plusieurs versions améliorées, toutes désignées par l’OTAN sous la désignation
Fitter-A, à l'exception des biplaces d'entraînement.
Versions principales :- Su-7 : chasseur tactique ; première variante de production, destinée surtout aux essais ; environ une centaine d'exemplaires produits entre 1957 et 1960 ; retirés du service avant 1965
- Su-7B : seconde variante, destinée à l'attaque au sol ; emportait un unique canon et 2 tonnes de charge extérieure, en plus de 3,4 tonnes de carburant en interne ; 431 exemplaires produits
- Su-7BM : variante améliorée ; disposait notamment d'un réacteur Al-7F-1-150 plus puissant, d'un nouveau siège éjectable, d'une capacité de carburant interne de 3,7 tonnes et de deux points d'emport "humides", chacun pouvant porter un réservoir auxiliaire de 620 litres ; environ 290 exemplaires produits
- Su-7BKL : variante encore améliorée, notamment par l'adjonction de parachutes de freinage, de provisions pour l'usage de fusées de décollage (JATO) et de deux points d'emport sous voilure supplémentaires (ajoutés à beaucoup de
Fitter plus anciens par la suite) ; 267 exemplaires produits
- Su-7BMK : variante du Su-7BKL destinée à l'exportation
Il fut aussi développé des variantes biplaces du Su-7, les Su-7U et Su-7UMK (désignation OTAN :
Moujik). Le Su-7U était développé à partir du Su-7BM, le Su-7UMK étant destiné à l'exportation. Le Su-7U avait un fuselage modifié pour permettre l'emport d'un instructeur (et une moindre capacité en carburant) et un train d'atterrissage renforcé, mais conservait ses canons. Le pilote et l'instructeur disposaient chacun d'un siège éjectable. Ces variantes furent produites respectivement à 367 et 44 exemplaires.
Les Su-7 formaient le cœur des unités d'attaque au sol de l'Union Soviétique durant les années 1960. Ils équipèrent de nombreuses formations de l'aviation de front, essentiellement dans la partie ouest du pays, mais aussi près de la frontière chinoise. Ils furent généralement remplacés dans le courant des années 1970 par le Su-17 plus moderne, qui apparurent pour la première fois au sein du 523è IBAP (régiment indépendant de bombardement) en 1971. L’URSS retira ses derniers exemplaires en 1989.
Le Sukhoï Su-7 connut un grand succès à l'exportation. Il fut utilisé au combat à plusieurs reprises : par l'Égypte durant la Guerre des Six Jours (1967), la Guerre d’Attrition (1967-1970) et la Guerre du Kippour (1973), mais aussi par l’Inde en 1971 contre le Pakistan. A cette occasion, les Su-7 indiens auraient effectué près de 1 500 sorties : deux appareils furent atteints par des missiles air-air, mais purent revenir à leur base. Malgré leurs défauts, les Su-7 s’acquittèrent plutôt honorablement de leur tâche, menant notamment de nombreuses attaques à basse altitude lors des conflits au Proche-Orient.
Près de 1 900 exemplaires furent construits, un peu moins de 700 d’entre eux exportés. Parmi les opérateurs connus, on compte l’Afghanistan (une centaine d'exemplaires), la Tchécoslovaquie (un peu moins d'une centaine, retirés en 1990), l’Inde (160), la Pologne (46) ou encore la Syrie. Il semble à l’heure actuelle que seule la Corée du Nord dispose encore d’appareils en service, au nombre de 18, mais leur état est sujet à caution.
La plupart des utilisateurs ont remplacé le Su-7 par des versions améliorées du
Fitter, et notamment par le Su-17/22.
Texte de Ciders, avec son aimable autorisation
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