En 1952, la plupart des appareils de reconnaissance survolant l'URSS étaient des bombardiers transformés, vulnérables face à la défense soviétiques. L'USAF estima que l'appareil devait voler à au moins 21000 mètres pour échapper même aux radars. C'est pourquoi le programme "Bald Eagle" fut lancé, demandant aux firmes Bell (projet X-16), Martin (un RB-57D à envergure accrue), Fairchild (projet M-165) de concevoir un tel appareil. Lockheed n'avait pas été approché, mais entendit parler de ce concours et demanda à Kelly Johnson d'étudier un appareil.
Clarence Johnson reprit le fuselage du F-104, lui adapta une aile à grand allongement comme sur les planeurs, un chariot pour le lancement et des skis pour l'atterrissage, et le désigna CL-282. L'appareil, présenté en mai 1954, fut rejeté, mais attira l'attention d'Edwin Land, l'inventeur du polaroïd, qui convainquit Allen Dulles et Eisenhower que c'était l'appareil qu'il fallait à la CIA. 20 appareils furent alors commandés sous la dénomination U-2, U pour Utility, afin de tromper l'adversaire en 1954. La CIA nomma le programme "Aquatone", l'USAF "Oilstone" et Lockheed "Angel".
Le vol inaugural fut effectué dans la zone 51 le 1er août 1955, entre les mains de Tony LeVier. Il ne devait s'agir que d'un essai de roulage à grande vitesse, mais l'appareil s'éleva à 130 km/h.
De fait, son design unique, avant tout destiné à économiser le plus de poids possible (comme son train d'atterrissage à balancines largables) en faisait un appareil difficile à piloter. Il se comportait en partie comme un planeur. A une altitude de 21000 m, la vitesse de décrochage était inférieure de 19 km/h à la vitesse maximale des premières versions de l'U-2… L'atterrissage était lui aussi acrobatique, car il fallait que les ailes soient bien stabilisées avant la fin de la course. Le pilote était guidé par un de ses collègues installé dans une voiture de sport…
L'U-2 disposait de 2 appareils photographiques conçus par James Baker, et qui possédaient une résolution de 76 cm à 18000 mètres. D'autres capteurs étaient situés dans le nez, dans la soute Q installée juste derrière le pilote, ou dans les nacelles des ailes.
La première version de série fut l'U-2A, construite à 48 exemplaires. Ce monoplace était propulsé par un J57-P-37A. 5 exemplaires de l'U-2B furent construits. Il s'agissait d'une version biplace d'entraînement, dotée d'un moteur J57-P-31 .
L'U-2C était équipé d'un moteur J75-P-13 plus puissant et d'entrées d'air modifiées en conséquence. L'U-2D était son équivalent biplace d'entraînement. 6 d'entre eux au moins furent transformés en U-2CT, avec déplacement des sièges.
En mai 1961, Lockheed décida de doter des U-2 d'un réceptacle de ravitaillement en vol, afin de doubler leur autonomie. Celle-ci passait alors à 15000 km. Les U-2A furent alors désignés U-2E et les U-2C devinrent des U-2F. Mais les missions étaient déjà longues et la fatigue des pilotes fit que le système ne fut guère utilisé.
Une version embarquée fut étudiée en 1963 : l'U-2G. Elle fut conçue officiellement pour pallier au manque d'autonomie, en réalité pour espionner les tests nucléaires français à Mururoa. Les missions furent effectuées à partir de mai 1964 à bord de l'USS Ranger. Il s'agissait de 3 U-2A convertis, avec un train d'atterrissage renforcée, une crosse d'appontage. L'U-2H, lui aussi embarqué, était ravitaillable en vol et exista en un seul exemplaire.
12 exemplaires furent construits sur la base de l'U-2C, et se caractérisait par un fuselage agrandi de 40%, des nacelles sous les ailes et une autonomie plus importante. Ils furent désignés U-2R et volèrent pour la première fois en 1967. Un appareil biplace destiné à l'entraînement fut construit, et désigné TU-2R. 2 U-2R furent proposés à l'US Navy pour la patrouille maritime, sous la désignation U-2EPX.
Ils servirent de base à la version construite dans les années 1980, le TR-1A (pour Tactical Recon). Il vola pour la première fois en août 1981. Extérieurement identiques à l'U-2R, ceux-ci disposaient d'un radar à balayage latéral, d'une avionique et de systèmes CME modernisés. 33 exemplaires furent construits et livrés jusqu'en 1989. En 1992, ils furent également désignés U-2R.
31 furent convertis en U-2S "Senior Year", avec un nouveau moteur F-118-101, des capteurs améliorés et un système de navigation par GPS. 2 exemplaires biplaces d'entraînement, désignés TR-1B, furent construits, puis désignés TU-2R en 1992. Ils furent convertis en TU-2S en recevant un nouveau moteur. Ces appareils, plus grands et emportant plus de charge utile que les premiers U-2, ont reçus en 1998 le Collier Trophy pour leur contribution à l'aéronautique américaine.
Le survol de l'URSS pouvant avoir des complications politiques énormes, les pilotes d'U-2 devaient démissionner de l'USAF et rejoindre la CIA en tant que civils. L'appareil effectua son premier survol de l'union soviétique le 4 juillet 1956, en partant d'Allemagne. 2 unités étaient stationnées en Europe et une en Asie. Dès le départ, les officiels se rendirent compte que l'U-2 était parfaitement répérable et ils tentèrent, avec le projet Rainbow, de réduire sa surface équivalente radar. Les tentatives, comme de mettre un matériau absorbant les ondes radars et baptisé "Wallpaper", furent essayés en 1957. Non seulement ils étaient inefficaces, mais entraînaient une perte de performances. Cet échec fut d'ailleurs à l'origine du programme aboutissant à l'A-12 Oxcart. Malgré tout, pendant 4 ans, l'U-2 fournit des renseignements précieux aux USA.
Les progrès soviétiques en matière de radar et de missiles sol-air aboutirent au SA-2, dont une salve de 14 missiles fut lancée contre l'U-2C de Francis Gary Powers le 1er mai 1960. L'appareil, récupéré pratiquement intact, est toujours exposé en Russie et le pilote fut échangé contre un espion en 1962. Il semble qu'un des SA-2 avait explosé suffisamment près de l'U-2 pour endommager les ailes. Notons au passage que l'appareil en question, appelé Article 360, avait une réputation de reine des hangars…
En octobre 1962, des U-2 repérèrent les sites de missiles stratégiques soviétiques installés à Cuba, mais l'un d'eux fut également abattu par un SA-2, tuant son pilote.
A partir de 1964, les U-2 fut également déployés au Vietnam. Un appareil fut perdu en 1966, après une panne en vol qui obligea le pilote à faire demi-tour. Les U-2 furent déployés en Thaïlande de 1970 à 1976. En 1984, un Lightning F3 réussit à intercepter un U-2 à 20000 mètres.
Taïwan utilisa 19 U-2 entre juillet 1960 et le 29 juillet 1974, au sein du 35th Black Cat Squadron. Les B-57 transformés que l'île utilisait avait connu des pertes. Ils reçurent tout d'abord 2 U-2C, basés à Taoyuan et utilisés à l'aide de la CIA et de l'USAF dans le cadre du programme Razor. 26 à 28 pilotes taïwanais furent formés. Ils espionnèrent la Chine et ses installations nucléaires, la Corée du Nord, le Vietnam du Nord et le Laos. Des U-2F et G furent également reçus. Tous ces appareils furent remplacés en 1968 par l'U-2R. C'est également à cette époque que les missions en territoire chinois cessèrent, tant pour des raisons politiques que du progrès des satellites. 220 missions furent effectuées, 5 appareils furent abattus (3 pilotes morts et 2 capturés), ainsi que 6 perdus par accident et autant de pilotes.
Enfin, la NASA utilisa un appareil désigné ER-2 (pour Earth Ressource), afin d'effectuer des études atmosphériques, écologiques et autres. Ironiquement, cela rejoignait les missions officielles de l'U-2 à sa création. Le WU-2 est une variante de reconnaissance météorologique.
86 appareils en tout furent construits. Si l'U-2 est toujours en service aujourd'hui, après 50 ans de service, et a même survécu au Blackbird qui était censé le remplacer, c'est d'abord parce qu'il a une plus grande souplesse d'emploi que les satellites. La CIA ne l'utilise plus depuis 1974 et a transféré ses exemplaires à l'USAF. Il resterait 36 appareils en service, dont 5 biplaces. Certains appareils ont été retirés du service dès 2007. Il devrait être progressivement remplacé par le RQ-4 Global Hawk, voire les RQ-170 Sentinel, à partir de 2012 ou 2014.
La fiche sur le sitehttp://www.avionslegendaires.net/lockheed-u-2.phphttp://jn.passieux.free.fr/html/U2.phphttp://en.wikipedia.org/wiki/Lockheed_U-2http://www.lockheedmartin.com/products/u2/index.htmlhttp://www.strategic-air-command.com/aircraft/reconnaissance/u2_spyplane.htmhttp://www.spyflight.co.uk/u2.htmhttp://www.militaryfactory.com/aircraft/detail.asp?aircraft_id=51http://militaryhistory.about.com/od/militaryaircraft/p/lockheed-u-2.htmhttp://www.unrealaircraft.com/gravity/u2.php