Historique
A la fin des années 1940, l’industrie aéronautique suédoise était déjà en mesure de concevoir des appareils performants. Garante de la neutralité de la Suède au même titre que l’armée de terre et la marine suédoise, l’armée de l’air suédoise (Flygvapnet) alignait déjà un grand nombre d’excellents avions, et était entrée très tôt dans le monde des avions à réaction. L’entrée en service du J 29 Tunnan en était un bel exemple. Toutefois, en 1949, la Suède décida, alors même que le Tunnan entrait à peine en service, de travailler à son successeur.
La demande du gouvernement suédois portait alors sur un intercepteur monoplace supersonique (devant atteindre Mach 1,4 en palier), capable d’opérer par tous les temps et à partir de terrains peu ou pas aménagées, sur des distances assez courtes (cette dernière demande étant devenue la norme en Suède, les aviateurs suédois étant amenés à utiliser des portions de routes en cas de conflit). L’objectif est notamment de contrer d’éventuelles attaques menées à haute altitude par des bombardiers adverses.
Les essais furent menés à partir d’un prototype plus petit, le SAAB 210, qui effectua son premier vol le 21 janvier 1952. Bien que son moteur se soit montré trop peu puissant pour une utilisation optimale, le SAAB 210 permit aux ingénieurs suédois de valider les grandes lignes de leur projet. Il ouvrit la voie à la construction de trois prototypes, d’abord pourvus du même moteur RM5A (un Avon Mark 21 produit sous licence) que le J-32 Lansen, puis d’un Mark 43 et enfin d’un Mark 46. A la fin de l’année 1956, le gouvernement suédois donna son accord à SAAB qui put ainsi lancer la production, et livrer les premiers appareils de série au printemps 1960.
Baptisé J 35 Draken, le nouvel intercepteur suédois suscita un certain intérêt. Il avait une apparence très inhabituelle, bien loin du ventru Tunnan et de l’élancé Lansen. Le Draken avait une allure inimitable, résultant de choix des concepteurs. Initialement prévu avec une voilure delta, il fut finalement doté d’une voilure en double delta : la partie avant de la voilure a un angle de 80°, tandis que les extrémités ont un angle de seulement 57°, mieux adaptée aux basses vitesses et aux contraintes d’un décollage court. Elle semble occuper la majeure partie de la structure du Draken, et rend la partie avant encore plus petite qu’elle n’en a l’air.
Le cockpit est pourvu d’une petite bulle, qui n’offre pas une visibilité importante à l’arrière. Deux entrées d’air ovales encadrent ce cockpit, alimentant un unique turboréacteur Svenska RM.6B de 6800 kg de poussée avec postcombustion, puis d’un RM.6C plus puissant (à partir du J 35D), tous deux basés sur un Rolls-Royce Avon produit sous licence. Pour faciliter leur utilisation sur pistes courtes, un parachute de freinage et un aérofrein furent installés.
Les commandes de vol étaient assistées par des systèmes hydrauliques, afin de réduire la fatigue de l’unique pilote, qui pouvant en dernier recours utiliser son siège éjectable. Quant au radar, il évolua avec les versions : les J 35A étaient équipés d’un PS-02/A, pourvu d’un IFF et d’un système de contrôle de tir construit par la firme française Thomson-CSF, les J 35B par un PS-03/A tandis que les derniers J 35F embarquaient un PS-01/A très perfectionné, capable d’assurer le guidage de missiles RB.27 et RB.28, tirés des AIM-4 Falcon.
La Suède apporta continuellement des améliorations au Draken. On en distingue plusieurs versions.
Versions principales :
- J 35A : version de base, produite à environ 90 exemplaires
- J 35B : version améliorée, dotée notamment d’un nouveau système de tir ; la plupart des J-35A seront mis à ce standard ; 73 exemplaires produits entre 1962 et 1963
- J 35D : J-35B pourvu d’un moteur plus puissant ; 120 exemplaires produits entre 1963 et 1964
- J 35F : variante la plus perfectionnée ; dotée d’un seul canon au lieu des deux d’origine, mais également de la capacité de tirer des missiles à guidage radar et à guidage infrarouge ; 230 exemplaires produits entre 1965 et 1972
- J 35H : version spécifiquement développée pour la Suisse, abandonnée après le choix suisse du Mirage III
- J 35J : version modernisée du J-35F, opérée pour des avions suédois ; 76 exemplaires concernés
- Sk 35C : biplace d’entraînement ; 25 exemplaires produits
Le Draken S 35E était une variante de reconnaissance, sans armement ni radar. Son nez modifié accueille une batterie d’appareils photographiques et de caméras, orientés vers l’avant, à la verticale et en oblique. 60 exemplaires furent produits, soit à partir de cellules neuves, soit de cellules de J 35D (certains S 35E furent d’ailleurs partiellement reconvertis en J 35D par la suite).
Développé par une équipe d’ingénieurs sous la direction d’Erik Bratt, le J 35 a été l’un des meilleurs chasseurs des années cinquante. Il a connu une certaine carrière à l’exportation, essentiellement en Europe (quelques contrats potentiels en Amérique du Sud ne s’étant finalement pas conclus). Malgré la concurrence du Mirage III, du F-104 Starfighter ou du Hawker Hunter, le Draken connut quelques succès. Son premier et principal utilisateur était naturellement la Suède, qui aligna la majorité des près de 640 exemplaires construits.
En 1968, le Danemark sélectionna le J 35X, une variante améliorée du J 35F (plus de carburant emporté en interne, capacité d’emport passé de 4,1 à 4,5 tonnes d’armement, structure renforcée… ). 52 appareils furent au total livrés au Danemark, dont 20 appareils de reconnaissance (rebaptisés RF-35). Ces appareils servirent jusqu’en 1993.
De son côté, la Finlande fit l’acquisition de 12 J 35F, nombre bientôt porté à 48 (toutes versions confondues), les derniers étant retirés en 2000.
Enfin, l’Autriche acheta en 1985 à la Suède 24 J 35D d’occasion, qu’elle fit moderniser au standard J 35Ö. Les Draken autrichiens servirent vingt années. Certains appareils ex-danois ont été acquis par la National Test Pilot School, un grand centre de formation de pilotes civils basé dans le désert de Mojave aux Etats-Unis. D’autres Draken ont été vendus à des particuliers et volent encore, notamment aux Etats-Unis.
Texte de Ciders, avec son aimable autorisation.
Anciens pays utilisateurs