La guerre du Chaco est un conflit largement méconnu. Pourtant, il s’agit là de la guerre la plus meurtrière du 20ème siècle en Amérique du Sud, puisque environ 100 000 personnes, pour la plupart des militaires, périrent au cours des violents affrontements qui opposèrent de 1932 à 1935 la Bolivie et le Paraguay.
Cependant, pour bien comprendre les origines de ce conflit, il convient de revenir quelques années en arrière.
De 1865 à 1870, le Paraguay livra une guerre féroce à trois de ses voisins, l’Argentine, l’Uruguay et le Brésil coalisés au sein de la triple alliance qui donna son nom à ce conflit particulièrement meurtrier au cours duquel, environ 70% de la population Paraguayenne périt. Le Paraguay finalement battu, passa du statut de pays parmi les plus vastes d’Amérique du Sud à celui de nation insignifiante, réduite à un territoire dont la surface ridicule n’était qu’un pâle reflet de sa gloire passée.
De son côté, la Bolivie avait également subi une cuisante défaite mais, contre le Chili cette fois. En 1884, la victoire de ce dernier lors de la guerre du Pacifique avait privé la Bolivie d’accès à la mer, réduisant brutalement ses ambitions militaires et commerciales. La seule solution pour l’industrie et les commerçants Boliviens était désormais d’envoyer leur marchandise en Argentine où celle-ci, chargée à bord de navires Argentins, partait pour l’Europe.
Cependant, ce panorama ne serait pas complet sans mentionner le statut de la région du Grand Chaco, un territoire situé au nord ouest de la capitale Paraguayenne Asunción et également situé à la frontière avec la Bolivie. Le statut de ce territoire avait toujours été, et ce depuis la fin de l’Empire Espagnol, un sujet de discorde entre les deux pays. En pratique, la région était habitée par les indiens Guarani Paraguayens et appartenait donc à priori au Paraguay. Toutefois, la Bolivie n’avait jamais accepté cet état de faits et avait cherché par tous les moyens à prouver que ce territoire lui revenait. De fait, la situation n’était pas vraiment claire. Pour couronner le tout, il se trouvait que le Chaco était bordé par le fleuve Paraguay, un court d’eau navigable et, par conséquent d’importance stratégique, tant au niveau commercial que militaire. Pour les Boliviens désormais sans accès à l’océan, une telle voie d’accès vers le reste de l’Amérique Latine, et par extension, vers la mer, était tout simplement capitale.
Le débat n’en demeura pas moins pacifique, en tout cas jusqu’en 1928, lorsqu’on découvrit du pétrole à l’extrémité ouest du Grand chaco. Dés lors, la situation changea complètement de nature. Les Boliviens semblèrent brutalement prendre conscience des perspectives que pouvait apporter le contrôle d’un tel territoire, et aussitôt, leurs revendications devinrent beaucoup plus féroces et insistantes. En fait, les Boliviens espéraient trouver d’autres gisements de pétrole dans le Chaco même, de plus ils disposaient d’un pipeline pour acheminer leur pétrole, cependant, il leur manquait un port pour l’acheminer dans toute l’Amérique du Sud et, par extension dans le monde entier. Il était désormais primordial de contrôler le Chaco, et, du même coup les gisements potentiels et le fleuve sur lequel pourrait être battit le port destiné à acheminer l’hydrocarbure.
Des combats eurent lieu en 1928 lorsque, les Boliviens tentèrent d’installer un avant poste sur le fleuve afin d’accéder à la mer. Les troupes Paraguayennes chassèrent rapidement les intrus les empêchant du même coup d’installer un fort frontalier. Dés lors, de nombreux raids et escarmouches eurent lieu. Les tentatives de négociations de la Société des Nations visant à instaurer une trêve se soldèrent par des échecs.
En juin 1932, les véritables hostilités débutèrent. Très vite, les deux belligérants se retrouvèrent confrontés à des problèmes d’ordre logistique. Les marais, la jungle et la chaleur insupportable de la région rendaient les déplacements difficiles. Il était ardu de ravitailler les troupes convenablement dans ces conditions. Les animaux supportaient mal les rigueurs du climat. Les soldats pour leur part étaient confrontés à des conditions désastreuses. Beaucoup tombaient malades, d’autant que l’approvisionnement en nourriture était loin d’être parfait.
Mais, avant d’aller plus loin, il convient de dire un mot des armées des deux pays.
Des deux belligérants, le Paraguay était celui qui disposait des forces armées les plus réduites. A l’époque, le pays disposait à priori d’une armée permanente de 4000 hommes susceptible de passer à 24 000 en temps de conflit. En ce qui concerne les officiers, ceux-ci étaient le plus souvent formé en Argentine et au Chili. Certains éléments avaient même prit part à la Première Guerre Mondiale en tant que volontaires. Avant ce conflit, une mission militaire Allemande participait largement à la formation de l’armée Paraguayenne. En 1926, une importante mission militaire Française arriva au Paraguay prenant dés lors une part active à la formation des militaires Paraguayens. D’autre part, l’équipement des forces armées était particulièrement limité. Au début des années 1930, suite aux combats contre les Boliviens en 1928, une mission Paraguayenne fut envoyée en France et dans toute l’Europe pour acheter de l’équipement. Cette mission constituée de civils, sans véritable expérience des nécessités du terrain, acheta de l’équipement peu coûteux mais pas forcément adapté aux besoins des militaires. Ainsi furent acquis quelques 7000 fusils Mauser, environ 200 mitrailleuses légères Danoises Madsen et deux douzaines de mortiers Stokes-Brandt de 81mm certes moins chers que des canons de campagne mais également beaucoup moins efficaces.
Par ailleurs, le Paraguay avait acheté au cours de la deuxième moitié des années 1920 quelques 10 000 fusils Mauser, des mitrailleuses légères Madsen et 32 mitrailleuses lourdes Browning aux Etats-Unis, huit obusiers de montagne Schneider modèle 1927 de 105 mm et 24 mitrailleuses de montagne furent acquis en France. Cependant, l’acquisition la plus importante pour le Paraguay fut l’achat, en Italie en 1930, de deux canonnières blindées. Les deux navires, le Paraguay et l’Humaitá jaugeant chacun 845 tonnes étaient en service avec l’Armada du Paraguay sur le fleuve du même nom. Les deux bâtiments étaient armés de deux canons, de trois mitrailleuses anti-aériennes et d’une paire de canon Bofors de 40 mm.
L’aviation Paraguayenne était pauvrement pourvue. Au début des hostilités, elle disposait de sept chasseurs monoplaces monoplans à aile haute Wibault 73C.1 de construction métallique et d’un petit nombre de biplans monomoteurs biplaces de bombardement Potez 25A.2. Ces appareils étaient quasi obsolètes en 1932, de plus, le moteur Lorraine Dietrich 12eb de 450CV, refroidi par eau, équipant les deux types d’avions se révéla totalement inadapté au climat du Chaco. Le système de refroidissement était un véritable désastre et dans ces conditions, la disponibilité des machines Paraguayennes était limitée. Au bout d’un certains temps, il fallut même immobiliser les Wibault afin de maintenir les Potez en état de vol.
Bon, je commence avec ça, mais rassurez vous, je balancerai le reste demain.
La Guerre du Chaco
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Il est possible que ce sujet ne se trouve pas au centre de vos intérêts, cependant, j'apprécierais que vous me fassiez part de vos commentaires et surtout, de vos critiques. la suite viendra demain j'espère, de même que quelques liens.
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Très instructif.
Pour ma part je ne connais pas du tout les conflits latino américain pré- années 60.
Vivement la suite -
Quelles sont tes sources Flying Frog ?
Merci de les indiquer -
C'est egalement une region et un contexte historico-geo-politique que je ne connais pas
Du coup, ces posts interessants sont une bonne source de familiarisation… maintenant, à toi de continuer ! -
Bon, promis, la suite demain. Pour mes sources, je les indiquerais demain Pilou car là, je vais me coucher et tous ça est au find fond de mon ordi.
Enfin, y'a déja la Latin American Aviation History Society et Worl Air Power Journal en Espagnol. Dans les deux cas, il s'agit d'articles écrits par James S Corun. -
Je n'y connais rien non plus, mais le début que tu nous présentes est intéressantNIKOVIEW Galerie Photos sur l'aviation…. et le reste aussi ! ^^
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Pardon pardon, je n'avais pas posté tout de suite, parce que je n'avais pu eu le temps de lire attentivement ton message.
Je ne connaissais moi-même à peu près rien à cette guerre, et ton message est donc très intéressant, merci beaucoup, c'était une bonne idée que d'aborder ce sujet. -
Permettez moi d'ouvrir une paranthèse sur les évènements de 1928. Les combats évoqués précédemment eurent lieu le 5 décembre 1928. D'après les travaux du célèbre journaliste Dan Hagedorn, ce sont des éléments Paraguayens qui attaquèrent et détruisirent (ceci à priori contrairement aux ordres reçus de leur hiérarchie) les forts Boliviens Fortin Vanguardia et Golpon. Les Boliviens réagirent en mobilisant leur armée et en prenant les forts Paraguayens Fortin Boqueron et Mariscal Lopez. Dans le même temps, le Grupo de Combate de l'aviation Bolivienne bombarda une aglomération, réalisant le premier bombardement aérien d'une ville de l'histoire de l'Amérique Latine. en fait, les Boliviens visainet les installations de Bahia Negra de l'Ejercito et de l'Armada Paraguayenne. Ces actions fallirent mener à une guerre ouverte entre les deux nations. A noter qu'en dépit du fait que cet évènement n'a jamais été confirmé ni par les Paraguaynes ni par les Boliviens, d'après l'attaché militaire de l'ambassade US à Buenos Aires dont les propos sont rapportés par Dan Hagedorn, un biplan Fokker CVb de bombardement aurait été descendu par des tirs Paraguayens et son équipage capturé. Source : Fichier informatique PDF "The Chaco War" téléchargé complétant le livre Latin American Air Wars and Aircrafts par Dan Hagedorn.
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Tiens, c'est marrant, ce que j'avais retenu de la guerre du Chaco, c'est que les armées ennemies ne s'étaient jamais rencontrées et s'étaient perdues dans la jungle. (mais alors vraiment disparues corps et biens).
Ca a du inspiré certains "Tintins", d'ailleurs…
Quand est-ce que tu nous parle de l'îlot de Clipperton ?Rang, sang, race et dieux n'entrent en rien dans le partage du vice… et de la vertu. (de Cape et de Crocs, tome 1).>> N'oubliez pas de lire et de relire le Réglement du forum>> N'oubliez pas de consulter les index des sujets avant de poster les vôtres. -
Et bien non Clans, tu as mal retenu, le fait est que ce conflit fut la première guerre en règle du 20ème siècle en Amérique Latine. Et oui, Tintin s'est bien inspiré de ça.
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Je vérifierais mes sources, dans ce cas.Rang, sang, race et dieux n'entrent en rien dans le partage du vice… et de la vertu. (de Cape et de Crocs, tome 1).>> N'oubliez pas de lire et de relire le Réglement du forum>> N'oubliez pas de consulter les index des sujets avant de poster les vôtres.
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Voyons à présent le cas de l’armée Bolivienne. Para rapport au Paraguay, la Bolivie avait l’avantage de disposer de revenus fixes important fournis par ses mines d’argent et d’étain et les importants bénéfices que générait leur exportation. Forte d’une population largement supérieure la Bolivie disposait dés le départ d’une sérieuse supériorité numérique son armée disposant en temps de paix d’un effectif de 6000 hommes, soit 2000 de plus que l’Ejercito Paraguayen. Dés 1926, le pays s’était lancé dans d’importants achats de matériel militaire. Un contrat portant sur la fourniture de 36 000 fusils, 250 mitrailleuses lourdes, 500 mitrailleuses légères, 196 pièces d’artillerie, dont des canons de montagne de 55 mm, et de très importants stocks de munitions fut arrangé avec la compagnie Britannique Vickers. En dépit de la crise de 1929 qui obligea à réduire la commande à Vickers, en 1932, au commencement des affrontements, la Bolivie disposait de 39 000 fusils Mauser, 750 mitrailleuses, 64 pièces d’artillerie modernes. L’armée reçut aussi 5 blindés, en l’occurrence un char Vickers Mk.B de 7 tonnes armé d’un canon de 47 mm et d’une mitrailleuse, deux Vickers Mk.A qui à la différence du B étaient armés d’une tourelle de deux mitrailleuses et une paire de chenillettes Carden Loyd Mk.IV à priori chacune équipée d’une mitrailleuse Vickers Mk.1.
En ce qui concerne l’aviation, la Bolivie se trouvait également en position de force disposant autant de l’avantage quantitatif que qualitatif. En 1932 le Cuerpo de Aviacion Boliviano disposait de 6 Vickers 143 Bolivian Scouts, un chasseur, armé de deux mitrailleuses, destiné à l’exportation et que seul la Bolivie acheta. Le pays possédait également 4 Curtiss P-1 Hawk et reçut en 1932-33 9 Hawk II et autant de Curtiss Falcon, des biplaces d’attaque et de reconnaissance. Par ailleurs, il mettait en oeuvre 9 Vickers Vespa, quelques Fokker C-V, un petit nombre de Junker W.34 (servant au transport et au bombardement), 6 Breguet XIX de bombardement et le reliquat de ses 10 Bristol Fighter F.2B, 11 Avro 504, 9 biplans Martinsyde et 2 Fiat BR.
De fait, l’Aviation Bolivienne était l’une des mieux équipées du continent Sud Américain à l’époque.
Aller, la suite tout à l'heure. -
Intéressant tout ça… ça étaye notre culture générale militaire !
Sinon, un truc : une armée de 6000 hommes, mais 36000 fusils Mauser commandés… tu as des raisons pour ces chiffres aussi, hum, éloignés ?
Je comprends pas tout… -
L'armée de 6000 hommes est l'armée permanente. en temps de guerre, les conscrits viennent compléter les rangs. Je n'ai pas de chiffres sous la main, mais je dirais qu'en temps de guerre on peut raisonnablement supposer que l'armée Bolivienne devait facilement passer à un effectif de 30 000 hommes voire un peu plus. Du coup on comprend mieux le nombre de fusils.
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