Historique
Le Sikorsky S-43 "Baby Clipper" est un hydravion bimoteur de transport, muni d’ailes hautes, d’un train d’atterrissage classique escamotable, d’une coque formant le dessous du fuselage et de flotteurs sous les ailes. Il peut transporter jusqu’à 19 passagers.
Au début des années 1930, Sikorsky développe un bimoteur dérivé de son hydravion quadrimoteur S-42 "Clipper". Par ses dimensions moins importantes et sa ressemblance avec son aîné, il est rapidement surnommé "Baby Clipper".
Le prototype effectue son premier vol en 1935. Piloté par Boris Sergievsky, un S-43 établit un record d’altitude pour un hydravion en emportant une charge de 500 kg à 8’519 m d’altitude le 14 avril 1936. L’histoire ne dit pas si son concepteur Igor Sikorsky, qui était également à bord de l’appareil durant ce record du monde, faisait partie des 500 kg de charge… Le cockpit, fermé, permet d’accueillir le pilote et le copilote. La cabine peut accueillir confortablement 15 personnes, mais selon les besoins, 19 passagers peuvent y prendre place. On y accède par une porte sur le côté droit du fuselage. Le dessous de ce dernier est constitué d’une coque permettant de bonnes performances de flottaison. Les ailes hautes, maintenues au dessus du fuselage, supportent les deux moteurs en étoile Pratt & Whitney R-1690-52 de 560 kw (761 cv) chacun et sont équipées de flotteurs permettant une bonne stabilité sur l’eau. Un train d’atterrissage classique est installé. La roulette de queue est fixe, mais le train principal s’escamote sur les côtés du fuselage.
La plupart des S-43 sont utilisés par des compagnies privées pour des vols de ligne, comme l'Aéromaritime française qui en utilisera cinq exemplaires, mais plusieurs forces aériennes s'y intéressent également. La première est la Fuerza Aerea de Chile, qui, fin 1936, achète 2 S-43 pour ouvrir la route sud, en direction de Magallanes. Le premier, baptisé "Chiloe" est perdu dans un accident en juin 1937 (avec la perte des 9 occupants), et le second "Magallanes" est abîmé en aout 1941, après un atterrissage forcé. Malgré la volonté de le faire revoler, l’appareil ne sera pas jamais réparé et il est officiellement retiré du service en 1945.
En 1937 l’US Army Air Corps commande cinq appareils pour le transport de passagers et de fret sous la désignation d’OA-8.
En 1941, l’USAAC commande sept S-43 motorisés avec des Pratt & Whitney R-1690-S2C de 652 kW (887 cv) et désignés OA-11. Armés de charges de profondeurs d’une masse totale de 450kg et de deux mitrailleuses de 12,7mm tirant par les hublots de côté, ces appareils sont peu adaptés à leurs nouveaux rôles et sont rapidement utilisés pour l’entrainement des équipages.
L’US Navy, qui cherche également à se munir d’un hydravion de transport en 1937, achète 11 S-43, moins chers que les S-42 prévus au départ. Désignés JRS, ils sont utilisés pour le transport de passagers, un de ces appareil étant réservé au transport de VIP. Au début de la seconde guerre mondiale, il semblerait que cinq S-43 civils (sept selon certaines sources) soient réquisitionnés par l’US Navy. Redésignés JRS-1, ils sont utilisés jusqu’en 1945 au sein de l’US Navy. Trois appareils sont perdus durant le conflit et deux autres sont reversés à l’US Marine Corps.
En 1940, l’Allemagne capture deux des quatre S-43 en service au sein d’Air France. Ils sont utilisés durant le conflit par la Luftwaffe pour le transport de fret, puis pour l’entrainement des équipages sur hydravions, au moins jusqu’en 1941. Il est possible qu’un ou deux exemplaires aient été capturés par les Japonais aux Philippines, ou aux Indes orientales néerlandaises (actuelle Indonésie).
Parmis les utilisations civiles, on retient les cinq Sikorsky S-43 qui volèrent sous les couleurs françaises au sein de la compagnie aérienne Aéromaritime. L’histoire commence en 1935, lorsque la compagnie de transport maritime "Les Chargeurs Réunis" veut créer une compagnie aérienne pour desservir les cotes de l'Afrique française, entre Dakar, au Sénégal, et Pointe-Noire au Congo. Cette compagnie, l'Aéromaritime, cherchant un hydravion moderne, se tourne vers Sikorsky, et acquiert d'abord un plus petit S-38, pour défricher la ligne, puis 3 S-43 en 1935. Les appareils sont rapidement construits par Sikorsky, et sont réceptionnés aux Etats-Unis en juin 1936. Démontés, ils sont chargés sur un cargo à destination de Marseille, où les mécaniciens de l'Aéromaritime les remontent. Un des appareils est testé par des pilotes du CEV, pour s'assurer qu'ils répondent aux normes françaises pour leur certificat de navigabilité. Ils reçurent les immatriculations : F-AOUK (c/n 4309), F-AOUL (c/n 4310), et F-AOUM (c/n 4311)
En novembre 1936, le premier hydravion fut convoyé par la voie des airs, via Oran, Casablanca, Agadir, Vila Cisneros, et finalement Dakar. Du fait de la guerre civile espagnole, les deux autres exemplaires ne purent suivre cette route, mais se virent obligés d'adopter une route terrestre, via les desserts algériens et maliens.
A leur arrivée en Afrique, les S-43 firent d'abord des vols de reconnaissance sur le trajet Dakar - Pointe Noire, puis, le 1er mars 1937, assurent la première liaison Dakar - Abidjan, étendue à Pointe Noire, le 22 avril 1937. Le service hebdomadaire voyait le S-43 partir chaque lundi matin de Dakar, en correspondance avec le vol Air France venant de métropole, et après 3h15 de vol, se posait à Conakry. Après une courte nuit, il redécollait à 7h du matin, pour un vol de 2 heures jusqu'à Monrovia, puis, après avitaillement, pour Dakar. Le lendemain, nouveau départ très tôt (6h30), pour ravitaillement à Takoradi (Gold Coast britannique), puis Cotonou, et finalement Douala, en début d'après-midi. Le lendemain, le trajet l'emmenait vers Libreville, puis Port-Gentil, et enfin, Pointe Noire. Le vol retour empruntait le même itinéraire, avec un départ tous les vendredis. Les premiers mois, la ligne ne transportait que du courrier, mais, devant la régularité et la sécurité, l'emport de passagers fut autorisé dès septembre 1937. Les avions étaient le plus souvent aménagés pour seulement 8 passagers, afin de laisser plus de place pour le fret et la Poste, et permettre une plus grande autonomie. La majeure partie des autres S-43 étaient plutôt aménagés pour 14 ou 15 passagers.
Devant le succès de cette ligne, l'Aéromaritime acheta un quatrième S-43 neuf (F-AQHY c/n 4338), puis l'exemplaire norvégien de DNL, ré-immatriculé F-AREX (c/n 4312).
L'entrée en guerre de la France en septembre 1939, puis la défaite de juin 40, amenèrent de profonds changements, certains territoires restant fidèles à Vichy, d'autres ralliant la France libre. De plus, le survol des possessions britanniques n'était plus possible pour les appareils de Vichy. Le débarquement allié en AFN, et le ralliement des derniers territoires à la France libre, permis une reprise progressive des vols, d'abord entre Dakar et Cotonou, en janvier 1943, puis totalement vers Pointe Noire durant l'été 1943. En mars 1944, la rationalisation du réseau entraina la fusion de l'Aéromaritime, d’Air France et des LAM (Lignes Aériennes Militaires) pour former les TAM : Transports Aériens Militaires.
Au 31 mars 1945, 3 S-43 étaient encore en état de vol en Afrique, les deux autres étant arrêtés et servant de stocks de pièces de rechange. Ceci témoigne de la robustesse et de la fiabilité de ces machines, qui opéraient dans un environnement hostile (humidité, chaleurs, salinité), et avec des conditions de maintenance difficiles. Les derniers exemplaires furent radiés en 1947, mais il est possible qu'ils ne volaient plus depuis quelques temps.
A noter, que durant les presque 10 ans d'exploitation, aucun S-43 français ne subit d'accident. Cependant, un S-43B, de la Pan Am fut détruit en France, à la suite d’un amerrissage raté en 1945, à Fort de France, aux Antilles (4 morts sur les 14 personnes à bord).
Au total, 53 S-43 des différentes versions sont construits. Durant leur utilisation civile, quatre accidents ont entrainés la mort de 28 personnes.
Anciens pays utilisateurs