J'hésitais à mettre ce texte dans le topic Mirage III, finalement, je le mets ici, mais s'il vaut mieux le déplacer, pas de soucis.
C'est un petit historique,
en parallèle de la liste des Mirage III suisses, pour recentrer un peu ce que le Mirage III peut/pouvait représenter en Suisse.
À la fin des années 1950, l’armée suisse décide de se doter de chasseurs supersoniques et plusieurs concurrents sont évalués. L’A-4 "Skyhawk", le F-8 "Crusader" et le G-91 ne sont pas jugés à la hauteur. Le F-104 "Starfighter" demande un pilotage trop pointu pour des pilotes de milice et ne bénéficie pas encore de missiles à guidage radar. Le F-11 F-1F "Supertiger" n’est pas encore (et ne sera jamais) produit en série et le J-35 "Draken" est jugé un cran en dessous du Mirage III…
En 1962, c’est un crédit de 871 millions de francs qui est débloqué pour l’achat de 100 Mirage III polyvalents, à construire sous licence en Suisse.
Un premier Mirage IIIC est livré au service technique de l’armée suisse pour être testé et pour définir les modifications à apporter aux appareils de série. Les Troupes d’Aviations devront tenir compte de l’avis d’ "experts" de l’Etat-major Général pour prendre ses décisions. Ces derniers, un peu dépassés, ne vont pas se rendre compte du gouffre financier dans lequel ils foncent en réclamants de nombreuses modifications, alors que le crédit est prévu pour l’achat de 100 Mirage IIIC de base :
- Le système de tir et de navigation américain Hughes TARAN-18, pouvant tirer des missiles Falcon guidés par radar HM-55S et infrarouge AIM-26B, est préféré au radar Cyrano jugé insuffisant.
- Le système d’arme Hughes TARAN ne rentrant pas dans le nez de l’appareil, c’est une cellule de Mirage IIIE, qui bénéficie de plus de place, qui est retenue. Plus long et plus lourd, cette version est équipée du réacteur ATAR 9C plus puissant… et plus cher.
- Le fuselage étant plus long de 30cm, il n’est plus possible de manœuvrer correctement l’avion dans les cavernes : un système de basculement du nez sur le côté est mis au point.
- Les entrées des cavernes sont trop basses et il est impossible de limer le haut des entrées en béton armé de plusieurs mètres d’épaisseur… on modifie la jambe du train avant avec un système pneumatique qui permet, en se gonflant, de lever le nez de l’appareil et par conséquent de baisser la dérive pour qu’elle passe de justesse.
- Des points d’accrochage au dessus de la cellule sont installés afin de pouvoir suspendre les appareils pour les déplacer dans les cavernes.
- Le train d’atterrissage doit être renforcé pour supporter les atterrissages en général plus durs sur les pistes des vallées encaissées.
- L’appareil doit disposer de capacités air-sol, on adapte le système d’arme aux bombes lisses de 454kg, mais également pour l’utilisation du missile AS-30 NORAS. Le Mirage IIIS est donc équipé de trois manches : un pour piloter l’appareil, un pour diriger l’antenne radar et un pour guider l’AS-30.
- Un système est adapté pour pouvoir utiliser des fusées d’appoints au décollage JATO permettant des décollages en moins de 400 mètres.
- L’idée que l’appareil doit aussi pouvoir effectuer la reconnaissance aérienne est abandonnée, et il est décidé de commander 18 Mirage III R.
Au moment de faire les comptes… le Conseil Fédéral demande un crédit additionnel de 576 millions de francs (dont 93 que pour le système d’arme). Ce dépassement du budget de 66% déclenche une tempête : commissions d’enquêtes parlementaires, rapports accablants… Le chef des Troupes d’Aviation est licencié, le chef de l’Etat-major et le Conseiller fédéral responsable de l’armée démissionnent.
En 1964, il est décidé de ne commander que 56 appareils en plus du premier Mirage IIIC : 2 Mirage IIIBS d’entrainement, 18 Mirage IIIRS de reconnaissance et seulement 36 Mirage IIIS d’interception et d’attaque au sol.
Deux Mirage IIBS sont achetés quelques années plus tard, puis deux autres Mirage IIIDS en 1983.
Par la suite, tous les Mirage III suisses seront également équipés de missiles AIM-9 Sidewinder.
Au début des années 1980, une étude désignée KAWEST 85 est lancée pour améliorer les performances des Mirage. Elle aboutira à certaines modifications des cellules et de l’électronique : empennages canard, déflecteurs de nez, nouveau frein de bouche pour les canons DEFA 30 mm, bidon ventral à basse traînée de 730L, bidons supersoniques de 500L largables, système de contre-mesures électroniques avec détecteurs radar AN/ALR-67, lances-leurres électromagnétiques et infrarouge AN/ALE-40, nouvelles radios UHF/VHF, nouvel indicateur d’incidence et nouveau siège éjectable zéro-zéro SRM 6. Les missiles AS-30 sont abandonnés. Les Mirage IIIRS sont repeints en gris et verts, les autres en gris basse-visibilité.
Les Mirage IIIS sont mis à la retraite en 1999, les Mirage IIIBS, DS et RS en 2003.
Une dizaine d’appareils se sont crashés, faisant 3 morts. Plusieurs ont "fauchés" des arbres et ont pu être ramenés à la base. D’autres cellules ont encaissés jusqu’à +12G durant des manœuvre d’évitement, sans dégâts structurels dus au facteur de charge, permettant au pilote de s’en sortir sain et sauf…