Historique
Durant les années 1950, la Guerre Froide poussa les deux superpuissances de l'époque, les États-Unis et l'Union Soviétique, à établir des systèmes de défense très perfectionnés, dans le but de se prémunir de toute agression extérieure. Ces systèmes comportaient notamment de véritables chaînes de stations radars, couvrant une très grande partie de leurs territoires respectifs. Mais ces stations fixes manquaient de souplesse d'emploi et ne pouvaient pas permettre la surveillance au-delà du rayon d'action de leur radar. Aussi, les deux pays décidèrent de concevoir des systèmes mobiles, capables non seulement de pister des objectifs là où aucune station fixe n'existait, mais aussi de pouvoir espionner certaines zones particulières, notamment maritimes.
A ce jeu, les Soviétiques prirent du retard. C'est seulement à la toute-fin des années 1959 que des ordres furent donnés pour le développement d'un appareil de surveillance radar. Plusieurs essais échouèrent, les appareils choisis pour porter l'équipement de surveillance étant soit trop petits, soit manquant de rayon d'action, soit que le radar mis au point ne soit pas assez efficace. Il fallut attendre la fin des années 1960 pour qu'un prototype suffisamment convaincant soit accepté par les aviateurs soviétiques. Après avoir utilisé sans succès un Tupolev Tu-95 (code OTAN :
Bear), les ingénieurs soviétiques se reportèrent sur une version civile agrandie du Tu-95, le Tu-114.
Le premier vol date selon Gordon du 23 février 1962, après une construction à l'usine n°18 de Kuibyshev. Les essais en vol se sont terminés en novembre 1964, et 8 appareils ont été construits en deux lots, en plus du prototype (lot n°0), de 1965 à 1967. Ils sont entrés officiellement en service le 30 avril 1965 au 67 OAE DRLO (certaines dates indiquent 1971). Il fut baptisé
Moss par les services de l'OTAN, qui le repérèrent pour la première fois en 1969.
Le Tu-126 était un très grand appareil, à voilure en flèche. Dérivé du Tu-95, il en reprenait bon nombre de caractéristiques, et notamment sa motorisation, assurée par quatre moteurs contrarotatifs Kuznetzov NK-12MV, d'une puissance unitaire de 14795 ch, ce qui assurait de bonnes performances. La principale différence avec le
Bear se situait dans l'énorme dôme, placé à l'arrière du fuselage près de la dérive. D'un diamètre de 11 mètres, ce dôme abritait un radar de surveillance aérienne, connu par l'OTAN comme le
Flat Jack et des équipements IFF. Les ingénieurs soviétiques montèrent une énorme quille ventrale sous la dérive, afin de stabiliser l'appareil. A l'arrière du fuselage toujours, quatre carénages, affectant la forme d'une goutte d'eau (deux sous le fuselage, un de chaque côté du fuselage) abritaient des équipements électroniques. D'autres carénages, notamment à l'extrémité du fuselage, en contenaient peut-être aussi. Dans tous les cas, le
Moss disposait d'un certain nombre de systèmes de surveillance radar et ELINT, mais aussi d'équipements de contre-mesures pour sa propre sécurité. Six appareils ont été équipés d'un brouilleur SPS-100A Rezeda.
Enfin, la cabine fut modifiée, les sièges passagers étant remplacés par des consoles et des équipements de contrôle. Il emportait 12 hommes d'équipage, sachant qu'il y avait deux équipages complets embarqués. Ils atteignaient la zone de patrouille en 3 heures, pour rester sur place pendant 2h20.
Les Tu-126 furent essentiellement engagés pour surveiller les frontières soviétiques, et les pays voisins. Des appareils espionnèrent également les exercices militaires menés par l'OTAN près du territoire soviétique. Une perche de ravitaillement en vol fut montée sur le nez du Tu-126 afin de faciliter les missions de très longue durée. Mais leur principale fonction était la défense du territoire soviétique. Ils servaient à renforcer les défenses au sol, et à guider les intercepteurs vers d'éventuels appareils ennemis. Leur zone d'action la plus fréquente était le nord-ouest de l'Union Soviétique, afin de protéger les bases stratégiques de la péninsule de Kola et de la Baltique. Aucun appareil ne fut exporté. Un seul Tu-126 fut affecté temporairement à la force aérienne indienne, lors de la guerre de 1971 contre le Pakistan. Il y assura le guidage des chasseurs indiens vers les appareils pakistanais.
Pour l'OTAN, le
Moss était clairement un appareil de développement, aux performances limitées, destiné à être remplacé rapidement par un nouvel appareil. Il semble cependant que ce n'était pas totalement le cas même si, effectivement, le Tu-126 devait être remplacé par le Beriev A-50 (code OTAN :
Mainstay). Le nombre d'appareils construits est sujet à controverse, mais on parle généralement d'une petite douzaine d'appareils. Ils furent retirés du service actif en 1984.
Texte de Ciders, avec son aimable autorisation.
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