Le prototype d'un élégant bombardier quadrimoteur français. La défaite de 1940 ne lui a pas laissé de chance de démontrer ses qualités.
1 / Développement
Le Breguet 482 a été développé en réponse au programme A 20 de janvier 1937, pour un bombardier avec 5 membres d'équipage (B5). Le projet fut d'abord dénommé Br 480. Il s'agissait d'un bombardier bimoteur, équipé de de Gnome-Rhone 18L, de 1225 ch, ou de 18P de 1500ch. Mais, du fait des difficultés du motoriste de mettre au point ces gros moteurs de 18 cylindres, le projet évolua vers un quadrimoteur, soit avec des moteurs en ligne (Br 482), soit avec des Pratt & Whitney en étoile (Br 483). Le projet Br 482 fut rapidement préféré, et lancé en études de détail. Deux prototypes furent commandés par l'Etat français, en mai 1938, pour un montant de 11,2 millions de francs (soit l'équivalent de 600 millions d'euros actuels), plus 2 millions de primes pour performances. La construction des deux appareils commença immédiatement dans les ateliers Breguet de Vélizy-Villacoublay, ainsi que des essais de maquettes en soufflerie. Ces essais révélèrent un phénomène intéressant, la trainée des radiateurs de refroidissement des moteurs diminuait lorsque cesux-ci étaient chauds. L'ingénieur responsable de l'étude des fuseaux moteurs était René Leduc, qui mettait ainsi en application les principes qui donnèrent lieu à ses tuyères thermo-propulsives. Fin 1939, les moteurs Hispano-Suiza 12Y-20/21, de 860 ch furent remplacés par de 12Y-50/51, de 1100 ch.
La débacle de mai-juin 1940 ne permis pas aux prototypes d'être achevés. Un exemplaire fut caché dans l'usine Breguet d'Anglet (près de Biarritz), alors que l'autre était évacué en Algérie. Ce dernier fut détruit par un raid de la Luftwaffe en 1943.
Le second prototype, achevé à 80% passa toute la guerre caché à Anglet, sans attirer l'attention des commissions de contrôle allemandes. A la libération, on se demanda quoi faire de ce prototype ? Du fait de sa conception ancienne, et des progrès techniques des années de guerre, il n'avait plus de sens de le lancer en production comme bombardier. Il fut cependant décidé de le terminer, sans aucun équipement militaires, à des fins d'expérimentations (marché du 21 janvier 1946), mais pourvu de nouveaux moteurs 12Z, de 1350 ch.
Il fut donc achevé puis transporté par la route à Toulouse (Francazal). Les premiers essais moteurs eurent lieux en juillet 1947, révélant un fonctionnement capricieux. Après des longues mises au point, il effectua son premier vol officiel le 28 novembre 1947 (après des sauts de puces le 27, qui sont notés comme « vol n°1 » par le constructeur). Dès ce premier vol, les moteurs posèrent problème, devant être dégroupés pour changement des pistons. Le second vol n'eut lieu que le 8 janvier 1948. Malgré tous les efforts des mécaniciens, les moteurs ne purent jamais être fiabilisés, ralentissant les vols d'essais. Un dernier vol au lieu le 6 aout 1948, l'avion totalisant à ce moment là seulement 10h40 de vol ! Puis l'avion fut remisé.
De façon très surprenante, le programme fut réactivé en aout 1950, envisageant de transformer le Br 482 en lanceurs d'engins spéciaux ! Il était alors le seul avion français lourd capable de dépasser les 500 km/h. Une remotorisation avec des Jumo 211 fut même envisagée, mais finalement, il fut décidé de conserver les 12Z malgré leur piètre fiabilité. Les travaux de remise en état furent rapidement menés, et un nouveau vol fut effectué le 13 septembre 1950. Pour ce vol, le Br 482 avait enfin reçu son immatriculation F-WFRM. Cependant, les moteurs se montrèrent fidèles à leur réputation, et à l’issue de ce ce vol, durent être changés, de nouveau ! Des points fixes eurent encore lieu, montrant des problèmes persistants de motorisation. Finalement, le programme fut arrété, et le Br 482 réformé début 1951, après seulement 19 vols en un peu plus de 3ans.
Si l'avion avait put être mis au point et entrer en service avant la catastrophique armistice de 1940, il aurait pu être un excellent bombardier rapide, alliant charge de bombe (2,5t), rayon d'action, et vitesse (+ 560 km/h), pour peu que ses moteurs aient été au point. Mais, en 1947, il n'offrait plus aucun intérêt, surtout avec sa motorisation plus que capricieuse.
2 / Description
Prototype de bombardier rapide quadrimoteur, monoplan, de construction métallique, à train classique. Voilure médiane trapézoidale, à 3 longerons, dotée de volets de courbure à fente, sur une grande partie de l'envergure. Empennage bidérive, semblable à celui de la série des Br 690, gouvernes entoilées.
Fuselage entièrement métallique, abritant les 4 ou 5 membres d'équipage, ainsi qu'une importante soute à bombes de 5,27m de long. L'armement défensif devait comprendre au moins un canon de 20mm en tourelle dorsale, et une mitrailleuse légère défendant le dessous de l'appareil.
Le train d’atterrissage principal fut finalement celui, adapté du SE 161 Languedoc, s'escamotant dans les fuseaux moteurs internes.
Les moteurs initialement prévus étaient 4 Hispano-Suiza 12Y, à 12 cylindre en V, qui furent changés pour des 12Z, plus puissants et à turbocompresseur Turbomeca. Cependant, ces moteurs ne furent jamais au point, et, malgré un détarage de 1600 ch à 1350 ch, ils ne donnèrent jamais satisfaction, accumulant pannes et indisponibilités. Ils entrainaient des hélices tripales Chauvière, de 3,20 m de diamètre. A noter que les radiateurs étaient groupés dans les fuseaux moteurs externes.
La version de série devait emporter une charge de bombes de 2500 kg, et être défendue par un canon de 20mm et 4 mitrailleuses légères.
3 / Caractéristiques
Performances calculées avec 4 moteurs Hispano-Suiza 12Z, de 1600 ch, Moteurs limité à 1350 ch pour les essais.
Dimensions :
- Envergure : 24,086m
- Longueur : 18,365 m
- Hauteur : 5,209 m
- Surface Alaire : 64,40 m²
- Masse à vide : 11 365 kg (parfois donnée à 12 588 kg)
- Masse maximale au décollage : 18 000 (calculés, limité en réalité à 14 500 kg)
Performances (calculée, jamais atteintes du fait des problèmes de moteurs)
- Vitesse maximale : + 560 km/h
- Plafond maximum : + 8000 m
4 / Utilisateur
Le seul utilisateur fut l'Armée de l'Air, qui prévoyait d'en faire un appareil d'essais pour des missiles et bombes planantes (Engins Spéciaux dans la littérature de l'époque). Les constants problèmes de ses moteurs 12Z firent qu'il ne pu jamais remplir ce rôle, malgré de bonne performances de charge utile ( + 2,5t), et de vitesse (calculée à + 560 km/h). Il ne réalisa que 19 vols (20 en comptant les premiers sauts de puces), totalisant moins d'une douzaine d'heures en l'air.
5 / Sources
- Jean CUNY, Pierre LEYVASTRE : « Les avions Breguet (1940/1971) », Docavia n°6, Editions Larivière, Paris, 1975
- Philippe RICCO, « Le Breguet 482, un grand bombardier oublié par la guerre », Le Fanatique de l'Aviation, no 339, février 1998
Illustrations :
https://alternathistory.com/files/resize/users/user6327/BREGUET_482-484-10-680x479.jpg
http://www.airwar.ru/image/idop/bww2/br482/br482-6.jpg