Clansman a écrit
A noter qu'on va peut-être enfin en exporter un exemplaire.
C'est fait !
En 1965, lorsque le gouvernement Wilson annula le TSR.2 au profit du F-111K censé être moins cher et plus rapidement disponible, les constructeurs aéronautiques britanniques en furent désemparés. La BAC, en particulier, fut scandalisée et humiliée.
En mai 1965 elle se tourna vers le Mirage IV, déclaré opérationnel en France depuis octobre 1964, dans l'idée de le construire sous licence. Doté d'une structure renforcée pour accueillir deux réacteurs à double flux Rolls-Royce Spey, il serait certainement aussi efficace que le F-111 et moins cher.
Dassault lui-même se montre intéressé et réagit rapidement : le projet est officiellement présenté au gouvernement britannique le 16 juillet 1965. Les réacteurs retenus sont des Spey RB-168-25R (93.4 kN de poussée chacun, soit 9,525 kgp ou 21,000 lbf). Deux variantes du Spey-Mirage semblent envisagées : Le Mirage IVK simplement remotorisé avec le Spey et le Mirage IVS pourvu de l'avionique du TSR-2.
Ces réacteurs, également présents sur la version britannique du Phantom, pourraient pousser le Mirage IV à Mach 2,5 au lieu de Mach 2,2 à haute altitude et à Mach 1,15 à basse altitude. La vitesse de croisière est de Mach 2,2 à haute altitude et Mach 0,9 en conditions tropicales. Sa consommation serait réduite d'un tiers, donnant un rayon d'action de 3000 miles nautiques (5500 km). A basse altitude, ce rayon d'action équivaut à celui du F-111 et augmente d'un tiers si la mission est effectuée en partie à haute altitude. La masse maximale atteindrait alors 80 000 livres, dont 18 000 livres de charge militaire.
Les modifications se limitaient à agrandir l'arrière du fuselage pour accueillir les Spey plus gros et plus lourd que l'Atar, de 3 pouces et l'allonger de 61 cm (2 pieds). Le vol à basse altitude ne semblait requérir aucune modification. En réalité, il faudrait également agrandir les entrées d'air, revoir le radome de nez ainsi que la perche de ravitaillement en vol. Enfin, l'avionique particulièrement avancée du TSR.2 aurait été conservée.
Le gouvernement britannique envoie une mission de la RAF pour évaluer le Mirage IVA, puis une équipe d'experts pour évaluer le coût des modifications à apporter pour l'équiper du moteur Spey.
L'équipage de la RAF (le Wing Commander Fletcher, le Squadron Leader Frith et le Squadron Leader Smith) teste le premier appareil de série à Istres, du 13 au 29 septembre 1965. 15 heures de vol sont effectuées en 11 vols, dont 8 sous équipage entièrement britanniques. Les rapports sont dithyrambiques : pour eux, il surpasse tous les avions en service dans la RAF, même le Lightning. Un pilote va jusqu'à dire qu'il a "volé plus d'heures à Mach 2 dans cet appareil que tout le commandement de la Chasse britannique sur le Lightning"… Le Mirage IV est en effet capable de voler à Mach 2 pendant plus d'une demi-heure. Certaines sources parlent même de la RAF toute entière, ce qui est exagéré et en réalité une farce.
En revanche, la BAC met en doute le sérieux de l'équipe d'experts gouvernementaux envoyés chez Dassault, dont l'examen lui a semblé superficiel. Il faut dire que cette équipe a reçu la consigne de ne surtout pas contredire Wilson, bien décidé à acheter américain.
La BAC et Rolls-Royce font le forcing pour faire accepter le Mirage IV Spey, dont 80 exemplaires pourraient être livrés à partir de 1968, pour la moitié du prix du F-111 (soit 3 millions 300 mille dollars de l'époque par unité). De fait, le débat autour du Mirage IV opposé au F-111 prit un tour enflammé en Grande-Bretagne, mêlant hommes politiques, experts aéronautiques et même des hauts fonctionnaires des finances.
Ce débat dura toute l'année 1965, mais la BAC dut compter avec la mauvaise foi du gouvernement confinant parfois à la désinformation (notamment sur les dates de livraisons reculées à 1972). En février 1966, les dés furent jetés et une commande de 50 F-111 fut annoncée, jetant le Mirage IV Spey aux oubliettes. Ce dernier aurait pu intéresser d'autres pays que la Grande-Bretagne, comme l'Australie et la France elle-même. Israël était intéressé par le Mirage IV, peut-être dans cette version. L'Inde et l'Afrique du Sud sont parfois cités.
L'échec de ce Mirage IV Spey eut des conséquences politiques : il renforça la détermination de De Gaulle à quitter l'OTAN (ce dont le Mirage IV d'origine, de part sa mission nucléaire, était déjà en partie responsable) et à refuser à la Grande-Bretagne l'entrée dans l'Europe. De même, il influa négativement sur de futurs projets franco-britanniques aéronautiques comme l'AFVG.
Quand aux Britanniques, après l'échec du F-111K, ils devront se rabattre sur le Buccaneer.
j'ai l'impression qu'avait déjà les mêmes problèmes qu'aujourd'hui avec le F-35