En 1952, les Etats-Unis et l'URSS travaillaient chacun de leur côté sur une nouvelle génération de bombardiers à réaction, cette fois supersonique. Aux Etats-Unis, cela donnera le B-58 Hustler. En URSS, Myasishchev allait concevoir le M-50.

Celui-ci trouve son origine dans le projet SDB (Sverkh-Dahlniy Bombardirovshchik, ou Bombardier à très long rayon d'action) lancé par décret le 30 juillet 1954. Le cahier des charges, particulièrement ambitieux, réclamait un bombardier dont la vitesse maximale serait de 1800 km/h, la vitesse de croisière de 1500 km/h, de voler à 15000 mètres d'altitude et d'emporter 5 tonnes de bombes à 13000 km. Le projet fut confié à Georgi Nazarov.

Après une trentaine d'études (dont un avion gigogne en canard), c'est en juillet 1955 que le M-50 prit forme : un appareil pourvu de réservoirs largables, dont la distance franchissable sans ravitaillement serait de 11000 km, et ravitaillable en vol. Les tests étaient prévus pour 1958. La silhouette générale fut conçue par le TsaGI (l'équivalent soviétique de la NASA) : une forme delta dotée d'un empennage classique, quadriréacteur. 2 réacteurs furent placés sous les ailes et les deux autres en bout d'ailes, après plusieurs études de configuration. Les réacteurs, choisis le 28 mars 1956, étaient les Zoubets M16-17. Les calculs montrèrent cependant que le futur appareil ne pourrait disposer d'une distance franchissable supérieure à 9600 km, et les ingénieurs firent valoir que les spécifications demandées étaient irréalisables. L'urgence aidant, les autorités approuvèrent la construction du prototype, tel que le recommandait Myasishchev en avril 1956. Un second prototype, le M-52, serait conçu avec plus de temps, afin de répondre aux spécifications des VVS.

Le prototype M-50A sortit d'usine en juillet 1958. Il aurait dû être propulsé par des Zubets RD-16-17 de 18490 kgp, mais le développement de ceux-ci avait pris du retard. Il fut donc doté de 4 Dobrynine VD-7BA (9500 kgp à sec, ne dispose pas de la PC). Le carburant n'était pas disposé dans les ailes d'ailleurs trop minces, mais dans le fuselage qui en fait était un énorme réservoir. Le train d'atterrissage, monotrace et bicycle, était similaire à celui du M-4 et actionné hydrauliquement. Les réservoirs de carburant étaient vidés de façon à rééquilibrer le centre de gravité, ce qui était une gageure à l'époque.

Les 2 membres d'équipage étaient placés en tandem dans un cockpit pressurisé et disposaient de combinaisons spéciales pour le vol à haute altitude (14000 mètres). L'avionique prévue pour la navigation et le bombardement était entièrement automatisée, mais on ignore si elle fut effectivement installée. Le pilote automatique, par exemple, était très en avance sur son temps, même par rapport à ses équivalents américains. Les pilotes disposaient de commandes de vol électriques, au moins partielles, quelques décennies avant leur emploi généralisé. Des manches latéraux étaient même prévus. Compte tenu de l'aspect très cabré de l'appareil, un nez basculant fut également envisagé, bien avant le Concorde. Il emportait dans la soute un missile de croisière M-61.

Les tests au sol nécessitèrent quelques changements et en octobre 1958, le M-50A fut démonté pour être convoyé à Zhukovsky. D'autres tests au sol furent nécessaires. Le M-50A effectua son vol inaugural le 27 octobre 1959, avec Nikolay Goryainov et A.S. Lipko aux commandes. Les tests furent retardés à cause d'une collision avec le prototype du 3ME le 12 mai 1960. Le M-50 ne vola pas avant 2 mois, et le 3ME fut ferraillé.

En avril 1961, les deux réacteurs VD-7A furent échangés contre des VD-7MA à post-combustion. Les vols se déroulaient bien, mais il ne put jamais dépasser Mach 0,99 même en piqué. Le travail sur le futur M-52, construit depuis novembre 1958, avançait. Celui-ci, devant répondre aux spécifications des VVS, serait pourvu d'un armement défensif (une tourelle de queue pourvue de canons GSh-23), de blindages supplémentaires, emporter deux missiles AS-4 Kitchen et avoir une autonomie plus large malgré le gain de poids. Il emporterait les 4 réacteurs M16 prévus, avec une entrée d'air à géométrie variable, et un petit empennage horizontal supplémentaire au-dessus de la dérive. Les 2 membres d'équipage étaient placés cette fois côte-à-côte.

Des projets de dérivés hydravion ou d'avion de ligne (au fuselage élargi) virent également le jour sur les planches à dessin.

Cependant, Kroutchev croyait davantage aux missiles intercontinentaux et considérait les bombardiers dépassés. Le M-50 fut abandonné en conséquence dès décembre 1960, et le M-52 ferraillé alors qu'il était presque fini. Lorsqu'il apparut au public le 9 juillet 1961, il fit forte impression sur les Occidentaux en laissant sur place les 2 MiG-21 d'escorte. Persuadés d'avoir affaire à un bombardier très en avance sur son temps, ils le surnommèrent "Bounder". Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que ce 19e vol du M-50 était son dernier. Cet unique exemplaire avait porté divers numéros (022, 023, 05 et 12) Depuis, il est exposé à Monino. Quand à Myasishchev, son OKB fut dissous et il devint directeur du TsaGi. (faut dire que même en Union Soviétique, on arrivait jamais à orthographier correctement son nom. Kroutchev, c'est pareil d'ailleurs. C'est pour ça qu'on se borne à l'appeler Monsieur K).


La fiche sur le site



http://fr.wikipedia.org/wiki/Miassichtchev_M-50


http://jpcolliat.free.fr/m50/m50-1.htm


http://jets.for.ever.pagesperso-orange.fr/Pages/M-50.htm


Le fana de l'aviation n° 399, février 2003

http://en.wikipedia.org/wiki/Myasishchev_M-50


http://www.testpilot.ru/russia/myasishchev/m/50/m50_e.htm


http://www.vectorsite.net/avbison.html#m6


http://www.fas.org/nuke/guide/russia/bomber/m-50.htm


http://www.militaryfactory.com/aircraft/detail.asp?aircraft_id=537


http://www.moninoaviation.com/10a.html


http://jetphotos.net/showphotos.php?aircraft=Myasischev%20M-50%20Bounder