Historique
En 1979, le gouvernement soviétique lança le programme MFI (Mnogo-funksionalni Frontovoy Istrebitel, chasseur tactique multirôle), destiné à remplacer les MiG-29 et Su-27. En conséquence, la mission première du future appareil était la supériorité aérienne, avec une bonne capacité d'attaque au sol.
Sukhoï, MiG et Yakovlev répondirent à l'appel, mais seuls les deux premiers furent retenus et le projet de Yakovlev resta à l'état de maquette. Les appareils construits furent respectivement le S-37 Berkut et le MiG 1.44. Ce dernier fut conçu par une équipe menée d'abord par Grigori Sedov, puis par Youri Vorontnikov. La collaboration avec le TsAGI pour définir l'aérodynamique du futur appareil commença en 1983.
Les premiers tests aérodynamiques furent effectués à l'aide de maquettes radio-contrôlées, pesant une demie-tonne et larguées d'un hélicoptère, sous la responsabilité du TsaGi. Ces tests montrèrent que l'appareil restait contrôlable à des angles d'attaque de 60°. C'est en 1986, que les projets furent soumis à une revue de détail pour approbation, marquant le véritable départ du programme MFI, dont l'entrée en service était prévue entre 2006 et 2008. Le MFI avait reçut une nouvelle mission : contrer le chasseur qui serait issu du concours ATF aux États-Unis, le futur F-22.
En 1988, MiG reçut des spécifications opérationnelles de l'éventuelle version de série MiG 1.44. En 1991 la force aérienne soviétique accepta le concept, ouvrant la voie à la construction d'un démonstrateur. Celui-ci était à moitié construit lors que le mur de Berlin tomba, entraînant l'URSS dans sa chute.
Ce prototype, destiné à valider la formule aérodynamique et l'avionique, sortit d'usine début 1994. Les essais au sols démarrèrent dans l'année à Zhukovsky avec Roman Taskayev aux commandes, et un premier vol était prévu pour 1995. Mais la situation de la Russie, des difficultés de mise au point et le manque de financement fit que le programme fut retardé de plusieurs années. De plus, MiG essaya en 1995 et 1997 de convaincre le gouvernement russe de déclassifier le projet, afin de le faire participer à des shows aériens, mais en pure perte.
Le programme MFI lui-même fut annulé par l'armée en mars 1997 car coûtant trop cher. MiG lui-même dut se restructurer au niveau directorial pour survivre et trouver des sources de financement, notamment auprès du ministère de la Défense. C'est fin 1998 que le gouvernement russe accepta de dévoiler l'existence du MiG 1.44. Il fut finalement dévoilé au public le 12 janvier 1999. On a longtemps cru à l'existence d'un second prototype, il s'agit sans doute de la cellule d'essai statique. Le démonstrateur portait le code "01 bleu" et porte désormais le code "144 bleu".
La désignation 1.44 renvoie au prototype lui-même, tandis que la désignation Izdeliye 1.42, qui intrigua l'Occident pendant une décennie, renvoie à une éventuelle version de série. Des sources attribuent au MiG 1.44 la désignation OTAN Flatpack (meuble en kit). D'autres sources vont même jusqu'à attribuer au MiG 1.42 la désignation OTAN "Foxglove" (digitale, comme la fleur). Enfin, les désignation MiG-35 et MiG-39 lui furent même un temps attribuées officieusement.
Le MiG 1.44 s'inspire de concepts aérodynamiques édictés par le TsAGI. De fait, avec ses plans canards mobiles (suggérés par le TsAGI), ses entrées d'air ventrales et ses ailes delta, il rappelle le MiG YE-8 des années 1960, mais il est biréacteur et plus grand. On peut aussi le voir comme une sorte de mélange entre MiG-29 et Typhoon. Ces plans canards sont situés juste derrière le cockpit et la flèche des ailes est de 52°. 2 quilles ventrales sont situées juste sous les dérives.
La silhouette générale reflète un certain degré de furtivité, et la version de série aurait sans doute été construite en matériaux absorbants. Le MiG 1.44 a lui été construit en alliages d'aluminium pour 35% du poids, en acier et titane pour 30% et en composites pour 30%. Le MiG 1.44 est propulsé par 2 Soloviev D-30F6 (ceux du MiG-31) qui lui donnent une vitesse maximale de mach 2,35. Ces réacteurs sont alimentés par des conduits en S masquant les aubes des réacteurs. Ils furent testés sur un Tu-16 et un MiG-25 et prouvèrent que le MiG 1.44 aurait pu disposer d'une distance franchissable de 2500 miles, supérieure à celle du Su-27 de base. Le plafond aurait été supérieur à 70000 pieds.
Il est doté de commandes de vols électriques et d'écrans multifonctions. Le train est tricycle et rétractable, avec une roulette de nez diabolo se repliant vers l'arrière tandis que le train principal, à roue unique, se rétracte vers l'avant.
La version de série aurait été dotée d'un radar Phazotron N-014 à impulsions Doppler et antenne PESA, capable de suivre 20 cibles et d'en attaquer 6 simultanément, et d'un radar N-012 voyant sur les côtés. Les entrées d'air auraient été redessinées pour des réacteurs Saturn AL-41F de 17840 kgp chacun avec PC qui lui auraient donné une capacité de supercroisière et une vitesse maximale de mach 2,6. Ses tuyères auraient été à poussée vectorielle, ces dernières pour améliorer tant la maniabilité que les performances ADAC. Les pétales, obliquant verticalement et horizontalement, auraient été en céramique afin de limiter la signature infrarouge.
Il aurait disposé d'un canon GSh-301 de 30 mm avec 250 obus et d'une soute interne dotée de 12 points d'emport et capable de contenir 8 missiles R-77. Des points d'emport sous voilure permettaient d'emporter au total 6000 kg de charges externes. Des missiles AA-11 et AA-12, ainsi que K-37 et K-74, étaient prévus. Des contres-mesures électroniques auraient été installés à la base des canards, des quilles ventrales et des dérives. Une rumeur courut même sur une technologie furtive à base de plasma… Le prix unitaire était alors estimé à la moitié de celle du F-22, soit 70 millions de dollars.
Toutes ces données firent dire aux experts russes que la version de série aurait eu une section radar égale à celle du F-22, tandis que les experts occidentaux jugeaient l'appareil plutôt fait pour les grandes vitesses, certes maniable même à haute incidence, mais que la furtivité reste secondaire malgré certains efforts. La suite des événements fit que l'on en saura jamais rien.
Le MiG 1.44 effectua son vol inaugural le 29 février 2000, avec Vladimir Gorbunov aux commandes. Il s'agissait certainement de sauver l'honneur face à Sukhoï, dont le S-37 Berkut avait volé dès 1997. Ce vol dura 18 minutes et l'appareil atteignit la vitesse de 600 km/h et l'altitude de 1000 m. Le pilote décrivit l'appareil comme "docile". Il n'effectua qu'un second vol d'essai, le 27 avril pendant 22 minutes, avant l'annulation du programme. On se posa alors des questions sur d'éventuels défauts, mais on sait désormais que le programme PAK-FA avait été lancé dès 1999. Le prototype fut mis sous cocon dans un hangar.
MiG avait prévu une version biplace, de même qu'un dérivé plus léger et monoréacteur, le MiG 4.12. Ce dernier devait sans doute répondre au programme LFI (Lyogkiy Frontovoy Istrebitel, chasseur léger de première ligne), qui fut annulé dès 1992.
Le sort du MiG 1.44 est longtemps resté inconnu, et l'apparition du Chengdu J-20 en 2011 entraîna même des rumeurs comme quoi il aurait été inspiré par le MiG 1.44. Mais il fut dévoilé en décembre 2013 qu'il avait été placé en stockage à long terme à l'extérieur de l'institut de recherche aéronautique de Gromov, à Zhukovsky. Il fut transféré dans un hangar en 2013. Sa destruction n'est pas envisagée. 4 autres cellules auraient été commencées mais non achevées, et seraient peut-être toujours stockées à l'usine de Sokol. Bien qu'il soit vieux de 15 ans, la plupart des informations concernant le MiG 1.44 sont toujours classifiées.
Le MiG 1.44 fut dévoilé pour la première fois au public au salon du MAKS 2015, en août.
Texte de Clansman.