Northrop HL-10
Rappels
- Catégorie : Appareil expérimental
- Constructeur : Northrop
- Premier vol : 22 décembre 1966
- Production : 1 appareil construit (cellule neuve)
- Missions : Essais en vol
- Voir aussi… : Northrop M2-F3, Northrop M2-F2, NASA M2-F1
Historique
Vers la fin des années 1950, la NASA (National Aeronautics and Space Administration) travaille sur les vols spatiaux. Parmi les difficultés les plus complexes, il faut trouver le moyen de ramener sur terre en toute sécurité un véhicule spatial conçu pour effectuer une rentrée atmosphérique depuis l'espace. En 1957, le Dr. Alfred J. Eggers Jr., alors directeur assistant en recherche et développement au sein du NACA (National Advisory Committee for Aeronautics) propose d’utiliser des aéronefs dont le corps assurerait une portance suffisante pour entrer dans l’atmosphère et se poser.Le premier point à définir est la forme à donner à l'appareil et, dès 1962, les astrophysiciens définissent des objectifs précis à atteindre avec ces aéronefs à fuselages porteurs. La même année, le NASA Flight Research Center situé à Edwards décide d’effectuer des essais en vol avec un prototype construit en bois et désigné M2-F1. Les résultats probants permettent à la NASA d’envisager quatre autres concepts d’avions à corps portant (lifting body) : les HL-10, M2-F1, M2-F2, M2-F3 et X-24.
Bien que développé par la NASA, le contrat de construction est attribué en juin 1964 à Northrop, qui travaille durant 19 mois à sa fabrication. Sa désignation "HL" signifie "Horizontal Lander " (à atterrissage horizontal), et "10" correspond au dixième concept étudié par les ingénieurs du Centre de recherche Langley de la NASA, à Hampton, en Virginie. L'appareil doit avoir une finesse de 1 à vitesse hypersonique sans faire usage de ses ailerons, afin de ne pas les exposer à l'échauffement cinétique de la rentrée atmosphérique, et une finesse de 4 en vol subsonique pour pouvoir effectuer un atterrissage horizontal. Il doit également être suffisamment maniable à vitesse hypersonique pour que sa trajectoire puisse être modifiée de manière importante lorsqu’il est encore à haute altitude. Par rapport à son volume total, l’avion doit fournir un volume interne utilisable le plus important possible. Sa cellule doit supporter correctement les températures et les contraintes subies à toutes les vitesses, y-compris les vitesses orbitales. Sa stabilité étant primordiale, de nombreuses études sont menées pour mettre en relation l'épaisseur du profil, la flèche et la configuration des bords d'attaque. Après une longue hésitation, c’est un profil à cambrure négative qui est retenu pour le HL-10. En effet, de nombreux essais en soufflerie démontrent que cette configuration remplis neuf des dix objectifs fixés par la conception du profil, alors que la cambrure nulle n'en remplis que cinq. L'appareil est doté d’un bord de fuite doté d'élevons pouvant bouger simultanément pour le contrôle en tangage ou séparément pour le contrôle en roulis. La partie avant de la surface supérieure se resserre aux extrémités pour former des embryons d'ailes qui réduisent la traînée aérodynamique créée aux régimes subsoniques et diminuent les problèmes rencontrés en phases transsoniques. Le volume disponible à l'avant du véhicule est suffisant pour loger le pilote et les différents systèmes de vol et d’enregistrement.
La faible finesse du HL-10 doit permettre d’évaluer le comportement d’un aéronef en "Delta" muni d’un profil porteur de type "inversé" pour ce type de vol. Si le résultat est positif, l’objectif est de construire ensuite des appareils de configuration très proche, mais de plus grande taille pour embarquer jusqu’à 12 personnes. Il est également envisagé que son fond plat lui permette d'amerrir en cas de problème, mais cette idée est rapidement abandonnée après quelques essais sur une aire spécialisée du centre de recherches.
Pour diminuer les coûts de développement, certains éléments sont empruntés à d’autres appareils déjà en service, sont utilisés pour diminuer les coûts. Le système d’éjection du pilote, par exemple, est celui du Convair F-106 Delta Dart, le train d’atterrissage principal provient du Northrop T-38 Talon et le train avant du North American T-39 Sabreliner. Le train d’atterrissage est rétracté manuellement par les équipes au sol et déployé en vol par un système utilisant de l’azote sous pression, un dispositif repris par la suite sur la navette spatiale.
Des batteries argent-zinc fournissent l’électricité nécessaire au fonctionnement des instruments de bord, du chauffage du cockpit et des systèmes de contrôle et d'augmentation de la stabilité de l'avion. Ces derniers, qui apparaissent sur les M2-F2 et HL-10, sont des systèmes électroniques désigné SAS (Stability Augmentation System) qui aident les pilotes à garder le contrôle de ces avions, réputés assez instables en roulis de par leur forme trapue.
La propulsion principale est assurée par un moteur-fusée XLR11 de Reaction Motors alimenté par de l’Ethanol et de l’oxygène liquide et doté de quatre chambres de combustion et produisant une poussée maximale de 35,7 kN. Ces moteurs, qui ne sont plus fabriqués depuis le programme du X-1 et les débuts de celui du X-15, sont récupérés dans des musées et remis en état de marche pour réaliser les vols propulsés du HL-10. Quatre petits moteurs-fusées à poussées modulables, fonctionnant au peroxyde d’hydrogène et capables d’une poussée cumulée maximale de 1,8 kN, assistent le pilote dans les derniers instants de l'atterrissage.
La position du moteur-fusée principal à l'arrière du fuselage entraine un déplacement du centre de gravité qui a tendance faire cabrer les HL-10 et M2-F2. Dans un premier temps, il est décidé d’installer un lest en métal lourd à l’avant pour équilibrer les appareils, mais les pilotes ne montraient pas un enthousiasme délirant à l’idée d’être assis sur un bloc d’Uranium appauvri. Cette idée est alors abandonnée au profit d'un cockpit blindé en acier épais riveté, qui présente l'avantage de mieux protéger le pilote en cas d'accident. C’est très probablement cette décision qui sauva la vie du pilote Bruce Peterson lors de son accident avec le M2-F2 en mai 1967.
Le HL-10 est livré à la NASA en janvier 1966 pour y être équipé de son instrumentation spécifique et effectuer encore quelques essais en soufflerie. Des essais sont ensuite menés avec les avions attachés au pylône d'aile du Boeing NB-52B "Balls 8" qui avait déjà servi à lancer le X-15. Une première pour l'époque, l'avion était également doté d'un ordinateur à circuits intégrés pour calculer les effets de sustentation obtenus. Une série de vols d'essais captifs est ensuite menée avec le HL-10 et le M2-F2 accrochés sous le NB-52B.
Après le M2-F2, le HL-10 est le second lifting body "lourds" mis en vol par le centre de recherche de la NASA. Les onze premiers largages depuis le B-52, qui ne sont pas des vols propulsés bien que le moteur-fusée XLR11 soit installé, servent à mesurer les capacités de manœuvre de l'engin, son contrôle et sa stabilité. Cinq mois après le M2-F2, le HL-10 effectue son premier vol le 22 décembre 1966, piloté par le pilote d'essai Bruce Peterson. Tout se passe relativement bien, mais certains défauts sont relevés après son largage à plus de 13'000 mètres d’altitude : de fortes vibrations, le manche trop sensible et la vitesse d'atterrissage beaucoup plus élevée que prévue, soit à 518 km/h après un vol de seulement 189 secondes. Cela signifie que son vol plané, pour autant qu’on puisse encore appeler ça ainsi, a été effectué avec un taux de descente de plus de 70 m/s, un chiffre considéré comme particulièrement effrayant pour les ingénieurs de Northrop. Wen Painter, l’ingénieur responsable chez le constructeur, décide de clouer au sol le HL-10 tant que ses défauts ne sont pas corrigés. Les commandes de vol sont modifiées et le bord d'attaque des moignons d’aile sont redessinés pour éliminer les tourbillons perturbateurs créés sur l'extrados et responsables des vibrations. Ces modifications durent quinze mois. Par la suite, l'avion effectue encore 36 vols au cours desquels il devient très apprécié de ses pilotes.
Pour un vol typique, le HL-10 est accroché à un pylône d'emport sous l'aile droite du NB-52B "Balls 8", entre le fuselage et la nacelle-moteur intérieure. L'ensemble décolle et monte à l’altitude prévue, souvent aux alentours de 14’000 m, puis stabilise sa vitesse à environ 720 km/h. Le Lifting Body est ensuite largué et, après quelques instants, son moteur-fusée XLR11 est mis à feu par le pilote. L’appareil prend de la vitesse et de l'altitude jusqu'à ce que l’extinction du moteur, suite à l’épuisement des ergols qui l'alimentent ou par la volonté du pilote, suivant le profil de vol déterminé pour chaque mission. Les réservoirs permettent généralement un vol propulsé d’une centaine de secondes, ce qui doit permettre d’atteindre une altitude comprise entre 15’000 et 24’000 mètres et une vitesse supérieure à Mach 1. Après l'arrêt du moteur, le pilote manœuvre l'appareil suivant un couloir simulé de retour de l'espace et effectue une approche planifiée pour atterrir sur l'une des pistes dessinée sur le lit du lac asséché de Rogers Dry Lake, à Edwards. Une approche circulaire est utilisée pour perdre de l'altitude pendant la phase d'atterrissage. Pendant la phase d'approche finale, le pilote augmente son taux de descente pour emmagasiner de l'énergie et, à environ 30 mètres du sol, il manœuvre un arrondi qui ralenti l’appareil pour le poser à environ 320 km/h.
Durant ses 37 vols, dont 24 avec l’allumage du moteur, le HL-10 a atteint la plus haute altitude et la plus grande vitesse de tout le programme des Lifting Body. C’est en effet le 18 février 1970 que le pilote d'essai de l’US Air Force Peter Hoag atteint une vitesse de mach 1,867 et, neuf jours plus tard, que le pilote de la NASA William "Bill" Dana monte à une altitude de 27’440 m.
Au total, cinq pilotes ont participés aux essais en vol. John A. Manke a effectué 10 vols, dont 7 propulsés. William H. Dana en a fait 9, dont 8 propulsés. Jerauld R. Gentry a volé 9 fois, dont 2 propulsés. Peter C. Hoag a effectué 8 vols, dont 7 propulsés. Et finalement Bruce Peterson qui n’a volé qu’une fois, sans propulsion, et qui s’est retiré du programme des Lifting Bodies après son spectaculaire crash à bord du M2-F2 en mai 1967.
Le seul exemplaire construit, qui est immatriculé NASA 804, est désormais exposé à l'entrée de l’Armstrong Flight Research Center à Edwards, en Californie.
Des enseignements inhabituels et précieux sont obtenus grâce à ses vols et, durant les premières phases du développement de la navette spatiale américaine, une configuration basée sur celle HL-10 fait partie des trois propositions finales. Elle est finalement rejetée devant la difficulté à intégrer des réservoirs cylindriques à l'intérieur du fuselage tout en courbes de l'appareil, et un dessin plus conventionnel à aile delta est finalement retenu.
Selon certaines sources, il semblerait qu’il ait été envisagé de modifier le HL-10 au début des années 1970 pour effectuer des vols spatiaux. Equipé d’un bouclier thermique ablatif, d'un système de contrôle par réaction (RCS) et de systèmes nécessaires au vol spatial habité, il aurait été lancé par une fusée Saturn V, installé à la place initialement réservée au module lunaire Apollo. Une fois en orbite, un bras d'extraction robotisé l’aurait placé à côté du module de commande Apollo. L'un des astronautes, formé au pilotage de l'appareil, aurait ensuite effectué une sortie extravéhiculaire pour embarquer à bord de le HL-10. Le programme aurait consisté en deux vols. Dans le premier, le pilote de le HL-10 serait revenu dans le vaisseau Apollo après avoir vérifié les systèmes de l'avion, et aurait laissé ce dernier effectuer sa rentrée atmosphérique sans pilote à bord. Si ce vol avait été réussi, lors du vol suivant le pilote aurait alors piloté le HL-10 pour le ramener sur Terre en vol plané jusqu'à la base d'Edwards.
Apparemment très séduit par l'idée, Wernher von Braun aurait proposé de préparer deux fusées Saturn V complètes pour effectuer ces missions, mais le directeur du centre de recherches aurait refusé, déclarant que ce programme était au-delà de leur domaine d'intérêt.
Caractéristiques
- Masse maxi au décollage : 4 540 kg (10 009 lbs)
- Masse à vide : 2 397 kg (5 284 lbs)
- Surface alaire : 14,9 m² (160,382 sq. ft)
- Hauteur : 2,92 m (9,58 ft)
- Envergure : 4,15 m (13,615 ft)
- Longueur : 6,45 m (21,161 ft)
Équipage
- Équipage : 1
Performances
- Altitude de vol maximale : 27 524 m (90 302 ft)
- Rayon d'action : 72 km (45 mi, 39 nm)
- Vitesse maximale HA : Mach 1,61
- Rapport poussée/masse à sec maxi au décollage : 0.60
- Charge alaire maxi au décollage : 304.70 kg/m²
- Rapport poussée/masse à sec à vide : 1.14
- Charge alaire à vide : 160.87 kg/m²
Motorisation
- 1 × moteur-fusée Reaction Motors XLR11-RM-3 de 2 722 kgp (27 kN, 6 000 lbf)
Sur le forum…
-
" J’ignore la nature des armes que l’on utilisera pour la troisième guerre mondiale. Mais pour la quatrième, on se battra à coup de pierres." A. Einstein "Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles." Max Frisch
-
Avion expérimental américain des années 1960, destiné à étudier le concept de "corps portant", ou "lifting body".
Vers la fin des années 1950, la NASA (National Aeronautics and Space Administration) travaille sur les vols spatiaux. Parmi les difficultés les plus complexes, il faut trouver le moyen de ramener sur terre en toute sécurité un véhicule spatial conçu pour effectuer une rentrée atmosphérique depuis l'espace. En 1957, le Dr. Alfred J. Eggers Jr., alors directeur assistant en recherche et développement au sein du NACA (National Advisory Committee for Aeronautics) propose d’utiliser des aéronefs dont le corps assurerait une portance suffisante pour entrer dans l’atmosphère et se poser.
Le premier point à définir est la forme à donner à l'appareil et, dès 1962, les astrophysiciens définissent des objectifs précis à atteindre avec ces aéronefs à fuselages porteurs. La même année, le NASA Flight Research Center situé à Edwards décide d’effectuer des essais en vol avec un prototype construit en bois et désigné M2-F1. Les résultats probants permettent à la NASA d’envisager quatre autres concepts d’avions à corps portant (lifting body) : les HL-10, M2-F1, M2-F2, M2-F3 et X-24.
Bien que développé par la NASA, le contrat de construction est attribué en juin 1964 à Northrop, qui travaille durant 19 mois à sa fabrication. Sa désignation "HL" signifie "Horizontal Lander " (à atterrissage horizontal), et "10" correspond au dixième concept étudié par les ingénieurs du Centre de recherche Langley de la NASA, à Hampton, en Virginie. L'appareil doit avoir une finesse de 1 à vitesse hypersonique sans faire usage de ses ailerons, afin de ne pas les exposer à l'échauffement cinétique de la rentrée atmosphérique, et une finesse de 4 en vol subsonique pour pouvoir effectuer un atterrissage horizontal. Il doit également être suffisamment maniable à vitesse hypersonique pour que sa trajectoire puisse être modifiée de manière importante lorsqu’il est encore à haute altitude. Par rapport à son volume total, l’avion doit fournir un volume interne utilisable le plus important possible. Sa cellule doit supporter correctement les températures et les contraintes subies à toutes les vitesses, y-compris les vitesses orbitales. Sa stabilité étant primordiale, de nombreuses études sont menées pour mettre en relation l'épaisseur du profil, la flèche et la configuration des bords d'attaque. Après une longue hésitation, c’est un profil à cambrure négative qui est retenu pour le HL-10. En effet, de nombreux essais en soufflerie démontrent que cette configuration remplis neuf des dix objectifs fixés par la conception du profil, alors que la cambrure nulle n'en remplis que cinq. L'appareil est doté d’un bord de fuite doté d'élevons pouvant bouger simultanément pour le contrôle en tangage ou séparément pour le contrôle en roulis. La partie avant de la surface supérieure se resserre aux extrémités pour former des embryons d'ailes qui réduisent la traînée aérodynamique créée aux régimes subsoniques et diminuent les problèmes rencontrés en phases transsoniques. Le volume disponible à l'avant du véhicule est suffisant pour loger le pilote et les différents systèmes de vol et d’enregistrement.
La faible finesse du HL-10 doit permettre d’évaluer le comportement d’un aéronef en "Delta" muni d’un profil porteur de type "inversé" pour ce type de vol. Si le résultat est positif, l’objectif est de construire ensuite des appareils de configuration très proche, mais de plus grande taille pour embarquer jusqu’à 12 personnes. Il est également envisagé que son fond plat lui permette d'amerrir en cas de problème, mais cette idée est rapidement abandonnée après quelques essais sur une aire spécialisée du centre de recherches.
Pour diminuer les coûts de développement, certains éléments sont empruntés à d’autres appareils déjà en service, sont utilisés pour diminuer les coûts. Le système d’éjection du pilote, par exemple, est celui du Convair F-106 Delta Dart, le train d’atterrissage principal provient du Northrop T-38 Talon et le train avant du North American T-39 Sabreliner. Le train d’atterrissage est rétracté manuellement par les équipes au sol et déployé en vol par un système utilisant de l’azote sous pression, un dispositif repris par la suite sur la navette spatiale.
Des batteries argent-zinc fournissent l’électricité nécessaire au fonctionnement des instruments de bord, du chauffage du cockpit et des systèmes de contrôle et d'augmentation de la stabilité de l'avion. Ces derniers, qui apparaissent sur les M2-F2 et HL-10, sont des systèmes électroniques désigné SAS (Stability Augmentation System) qui aident les pilotes à garder le contrôle de ces avions, réputés assez instables en roulis de par leur forme trapue.
La propulsion principale est assurée par un moteur-fusée XLR11 de Reaction Motors alimenté par de l’Ethanol et de l’oxygène liquide et doté de quatre chambres de combustion et produisant une poussée maximale de 35,7 kN. Ces moteurs, qui ne sont plus fabriqués depuis le programme du X-1 et les débuts de celui du X-15, sont récupérés dans des musées et remis en état de marche pour réaliser les vols propulsés du HL-10. Quatre petits moteurs-fusées à poussées modulables, fonctionnant au peroxyde d’hydrogène et capables d’une poussée cumulée maximale de 1,8 kN, assistent le pilote dans les derniers instants de l'atterrissage.
La position du moteur-fusée principal à l'arrière du fuselage entraine un déplacement du centre de gravité qui a tendance faire cabrer les HL-10 et M2-F2. Dans un premier temps, il est décidé d’installer un lest en métal lourd à l’avant pour équilibrer les appareils, mais les pilotes ne montraient pas un enthousiasme délirant à l’idée d’être assis sur un bloc d’Uranium appauvri. Cette idée est alors abandonnée au profit d'un cockpit blindé en acier épais riveté, qui présente l'avantage de mieux protéger le pilote en cas d'accident. C’est très probablement cette décision qui sauva la vie du pilote Bruce Peterson lors de son accident avec le M2-F2 en mai 1967.
Le HL-10 est livré à la NASA en janvier 1966 pour y être équipé de son instrumentation spécifique et effectuer encore quelques essais en soufflerie. Des essais sont ensuite menés avec les avions attachés au pylône d'aile du Boeing NB-52B "Balls 8" qui avait déjà servi à lancer le X-15. Une première pour l'époque, l'avion était également doté d'un ordinateur à circuits intégrés pour calculer les effets de sustentation obtenus. Une série de vols d'essais captifs est ensuite menée avec le HL-10 et le M2-F2 accrochés sous le NB-52B.
Après le M2-F2, le HL-10 est le second lifting body "lourds" mis en vol par le centre de recherche de la NASA. Les onze premiers largages depuis le B-52, qui ne sont pas des vols propulsés bien que le moteur-fusée XLR11 soit installé, servent à mesurer les capacités de manœuvre de l'engin, son contrôle et sa stabilité. Cinq mois après le M2-F2, le HL-10 effectue son premier vol le 22 décembre 1966, piloté par le pilote d'essai Bruce Peterson. Tout se passe relativement bien, mais certains défauts sont relevés après son largage à plus de 13'000 mètres d’altitude : de fortes vibrations, le manche trop sensible et la vitesse d'atterrissage beaucoup plus élevée que prévue, soit à 518 km/h après un vol de seulement 189 secondes. Cela signifie que son vol plané, pour autant qu’on puisse encore appeler ça ainsi, a été effectué avec un taux de descente de plus de 70 m/s, un chiffre considéré comme particulièrement effrayant pour les ingénieurs de Northrop. Wen Painter, l’ingénieur responsable chez le constructeur, décide de clouer au sol le HL-10 tant que ses défauts ne sont pas corrigés. Les commandes de vol sont modifiées et le bord d'attaque des moignons d’aile sont redessinés pour éliminer les tourbillons perturbateurs créés sur l'extrados et responsables des vibrations. Ces modifications durent quinze mois. Par la suite, l'avion effectue encore 36 vols au cours desquels il devient très apprécié de ses pilotes.
Pour un vol typique, le HL-10 est accroché à un pylône d'emport sous l'aile droite du NB-52B "Balls 8", entre le fuselage et la nacelle-moteur intérieure. L'ensemble décolle et monte à l’altitude prévue, souvent aux alentours de 14’000 m, puis stabilise sa vitesse à environ 720 km/h. Le Lifting Body est ensuite largué et, après quelques instants, son moteur-fusée XLR11 est mis à feu par le pilote. L’appareil prend de la vitesse et de l'altitude jusqu'à ce que l’extinction du moteur, suite à l’épuisement des ergols qui l'alimentent ou par la volonté du pilote, suivant le profil de vol déterminé pour chaque mission. Les réservoirs permettent généralement un vol propulsé d’une centaine de secondes, ce qui doit permettre d’atteindre une altitude comprise entre 15’000 et 24’000 mètres et une vitesse supérieure à Mach 1. Après l'arrêt du moteur, le pilote manœuvre l'appareil suivant un couloir simulé de retour de l'espace et effectue une approche planifiée pour atterrir sur l'une des pistes dessinée sur le lit du lac asséché de Rogers Dry Lake, à Edwards. Une approche circulaire est utilisée pour perdre de l'altitude pendant la phase d'atterrissage. Pendant la phase d'approche finale, le pilote augmente son taux de descente pour emmagasiner de l'énergie et, à environ 30 mètres du sol, il manœuvre un arrondi qui ralenti l’appareil pour le poser à environ 320 km/h.
Durant ses 37 vols, dont 24 avec l’allumage du moteur, le HL-10 a atteint la plus haute altitude et la plus grande vitesse de tout le programme des Lifting Body. C’est en effet le 18 février 1970 que le pilote d'essai de l’US Air Force Peter Hoag atteint une vitesse de mach 1,867 et, neuf jours plus tard, que le pilote de la NASA William "Bill" Dana monte à une altitude de 27’440 m.
Au total, cinq pilotes ont participés aux essais en vol. John A. Manke a effectué 10 vols, dont 7 propulsés. William H. Dana en a fait 9, dont 8 propulsés. Jerauld R. Gentry a volé 9 fois, dont 2 propulsés. Peter C. Hoag a effectué 8 vols, dont 7 propulsés. Et finalement Bruce Peterson qui n’a volé qu’une fois, sans propulsion, et qui s’est retiré du programme des Lifting Bodies après son spectaculaire crash à bord du M2-F2 en mai 1967.
Le seul exemplaire construit, qui est immatriculé NASA 804, est désormais exposé à l'entrée de l’Armstrong Flight Research Center à Edwards, en Californie.
Des enseignements inhabituels et précieux sont obtenus grâce à ses vols et, durant les premières phases du développement de la navette spatiale américaine, une configuration basée sur celle HL-10 fait partie des trois propositions finales. Elle est finalement rejetée devant la difficulté à intégrer des réservoirs cylindriques à l'intérieur du fuselage tout en courbes de l'appareil, et un dessin plus conventionnel à aile delta est finalement retenu.
Selon certaines sources, il semblerait qu’il ait été envisagé de modifier le HL-10 au début des années 1970 pour effectuer des vols spatiaux. Equipé d’un bouclier thermique ablatif, d'un système de contrôle par réaction (RCS) et de systèmes nécessaires au vol spatial habité, il aurait été lancé par une fusée Saturn V, installé à la place initialement réservée au module lunaire Apollo. Une fois en orbite, un bras d'extraction robotisé l’aurait placé à côté du module de commande Apollo. L'un des astronautes, formé au pilotage de l'appareil, aurait ensuite effectué une sortie extravéhiculaire pour embarquer à bord de le HL-10. Le programme aurait consisté en deux vols. Dans le premier, le pilote de le HL-10 serait revenu dans le vaisseau Apollo après avoir vérifié les systèmes de l'avion, et aurait laissé ce dernier effectuer sa rentrée atmosphérique sans pilote à bord. Si ce vol avait été réussi, lors du vol suivant le pilote aurait alors piloté le HL-10 pour le ramener sur Terre en vol plané jusqu'à la base d'Edwards.
Apparemment très séduit par l'idée, Wernher von Braun aurait proposé de préparer deux fusées Saturn V complètes pour effectuer ces missions, mais le directeur du centre de recherches aurait refusé, déclarant que ce programme était au-delà de leur domaine d'intérêt.
Versions :
HL-10 : Version initiale, un seul exemplaire construit.
Utilisateurs militaires :
USA : 1 exemplaire au sein de la NASA.
Caractéristiques et performances :
Equipage : 1
Longueur : 6,45 m
Envergure : 4,15 m
Hauteur : 2,92 m
Surface alaire : 14,9 m2
Masse à vide : 2’397 kg
Masse maximale au décollage : 4’540 kg
Points d’emport : 0
Moteurs : un moteur-fusée à ergols liquides Reaction Motors XLR11 de 35,7 kN de poussée.
Vitesse max haute altitude: 1'976 km/h (Mach 1.61)
Rayon d’action : 72 km
Plafond : 27'524 m
Liens internet :
https://en.wikipedia.org/wiki/Northrop_HL-10
https://www.nasa.gov/centers/dryden/history/pastprojects/Lifting/HL10/index.html
http://www.astronautix.com/h/hl-10.html
http://www.wmof.com/hl-10.html
" J’ignore la nature des armes que l’on utilisera pour la troisième guerre mondiale. Mais pour la quatrième, on se battra à coup de pierres." A. Einstein "Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles." Max Frisch