Historique
Durant la guerre du Vietnam, le manque d'un appareil spécialisé dans l'appui feu se fit lourdement ressentir. En effet, les appareils qui jouaient ce rôle, le AD Skyraider en tête, subissaient de très lourdes pertes, abattus par des missiles Air/Sol, des canons anti-aérien ou encore des armes légères. Les hélicoptères tels que le UH-1 Iroquois ou le AH-1 Cobra, qui n'emportaient que du calibre anti-personnel ou bien des roquettes non guidées destinées à des cibles légèrement blindées, ne pouvaient avoir la même puissance de feu que l'avion et enfin, les appareils rapides, tels que les F-4 et F-100, se montrèrent inefficaces dans le rôle d'appui feu.
Ainsi, en 1966, l'USAF lance le programme Attack Experimental (A-X) dont l'objectif est de concevoir un appareil d'attaque au sol capable d'emporter beaucoup d'armement et capable de retourner sur sa base malgré de forts dommages subit lors de la mission.
De ce programme naîtra le Fairchild-Republic A-10 Thunderbolt II, surnommé "Warthog" (phacochère) ou tout simplement "Hog" (porc). Il est le seul avion d'origine américaine spécifiquement conçu pour l'attaque des blindés. Une grande partie de sa légende de tueur de char s'est formée lors de de la Guerre du Golfe en 1991 où il détruira 1000 chars d'assaut, 2000 véhicules militaires et 1200 pièces d'artillerie avec seulement 7 appareils perdus. Le A-10 s'illustrera aussi en Ex-Yougoslavie ainsi qu'en Irak en 2003.
Le 6 mars 1967, l'USAF envoya à vingt-et-une entreprises une demande d'informations concernant le projet A-X. L'objectif de cette démarche était de créer une étude de design pour un avion d'attaque. L'officier en charge de ce projet était le colonel Avery KAY.
En 1969, le secrétaire de l'armée de l'air demanda à Pierre SPREY de rédiger les spécifications demandées pour le projet A-X. Suite aux conversations qu'il eu avec les pilotes de Skyraider en opération au Vietnam et à ses analyses sur l'efficacité d'un tel appareil pour l'attaque au sol, Sprey déduit qu'il fallait un appareil avec un temps sur zone important ("loiter-time" en anglais. Brève explication : C'est à dire le temps durant lequel l'appareil peut rester à proximité de ses cibles. Si la cible est à 30min de vol et que l'avion a 4h d'autonomie, alors il aura un "loiter-time" de 3h. Cette notion est très utilisée pour les appareils d'attaque au sol/les patrouilleurs/AWACS en particulier), la capacité de manœuvrer à basse vitesse, un canon puissant et une très grande survivabilité tout en coûtant moins de 3 millions de dollars.
Les données établies par Hans-Ulrich RUDEL, l'as allemand sur Ju-87 crédité de 2000 cibles détruites durant la WWII, concernant les caractéristiques dont doit disposer un appareil d'attaque au sol ont aussi été utilisées pour établir le profil du A-X.
En mai 1970, l'USAF communiqua un nouvel appel d'offres, modifié et bien plus détaillé que le précédant, incluant notamment la capacité d'attaque tout temps car la menace blindée soviétique se faisait plus sérieuse. Les autres spécifications concernaient le design de l'appareil qui devait être conçu dans l'objectif d'embarquer un canon de 30mm, une vitesse maximale de 740km/h, une distance de décollage de 1 200m, une capacité d'emport de 7 300kg, un rayon d'action de 460km et un coût de 1,4 millions de dollars.
Pendant ce temps l'USAF communiqua un appel d'offres concernant la conception d'un canon de 30mm spécialement pour le projet A-X, à forte cadence de tir (4 000 coup/min) et avec une vitesse de projectile à la sortie de canon très élevée.
Northrop et Fairchild-Republic furent sélectionnés pour la construction des deux prototypes, le YA-9A et le YA-10A. General Electric et Philco-Ford furent sélectionnés pour construire et tester les prototypes du canon GAU-8.
Le A-10 a cette particularité qui est celle d'être sans doute l'unique avion de l'histoire à avoir été construit autour de son canon. Ce canon, qui est son arme principale, pèse 1 830 kg avec ses munitions, ce qui représente 16% de la masse totale de l'avion ! Autant dire qu'il est particulièrement énorme…
À part son incontournable canon, l’armement de l’A-10 est constitué de missiles AGM-65 "Maverick" à guidage TV ou IR, de paniers à roquettes, de bombes à sous-munitions et de bombes guidées par laser. Son autoprotection est assurée par deux missiles AIM-9 "Sidewinder" sous une aile et une nacelle de contre-mesures électroniques ALQ-131 sous l’autre.
Durant la guerre du Golfe, les A-10 n’étant pas équipés de FLIR, ils emportaient en général au moins un missile AGM-65 à guidage IR pour les missions de nuit et le gardaient jusqu’à leur retour à la base sans le tirer. Le pilote obtenait ainsi une image IR de son environnement sur l’écran affichant l’image obtenue par le capteur de son missile.
Comme décrit précédemment, les A-10 ont été utilisés avec beaucoup de succès durant les guerres du Golfe et celle des Balkans.
S’ils n’ont pas participé à l’invasion de l’Afghanistan en 2001, ils sont intervenus à partir de mars 2002 pour participer à l’opération "Anaconda" et sont restés par la suite pour lutter contre les talibans.
Par contre, à partir du 20 mars 2003 une soixantaine de "Thunderbolt II" ont participé à l’opération "Iraqui Freedom" durant laquelle un A-10 a été abattu par les irakiens. À partir de 2007, des A-10C sont également engagés sur les théâtres d’opération.
En mars 2011, six A-10C sont également intervenus en Libye durant l’opération "Odyssey Dawn".
Pour rester efficace en première ligne, de nombreuses mises à jour ont été effectuées depuis son premier vol le 10 mai 1972.
Dès 1978, il est équipé du pod Pave Penny recevant les rayonnements des lasers de désignation de cible, lui permettant d’engager ses armes rapidement grâce à une identification plus rapide et plus précise.
En 1980, ils sont équipés d’un système de navigation inertielle et d’une remise à niveau des systèmes de navigation à basse altitude appelée LASTE (Low-Altitude Safety and Targeting Enhancement). Cela inclue un avertisseur de proximité du sol, un pilote automatique et un calculateur de tir informatisé. De plus, le cockpit est désormais compatible avec le port de lunettes nocturnes.
En 1999, les A-10 sont équipés d’un GPS, d’un écran multifonction et d’une mise à jour du système de vol à basse altitude (LASTE) avec l’intégration des systèmes de tir.
Des microfissures étant apparues sur certains appareils au niveau de la voilure, un contrat est signé avec Boeing en 2007 pour la fabrication de nouvelles ailes, afin d’en équiper certains des appareils pour prolonger leurs durée de vie opérationnelle jusqu’en 2028, voir 2035. Les deux premiers appareils ainsi modifiés ont volé en novembre 2011. Un nouveau contrat est signé en septembre 2013 pour porter le total d’A-10 munis d’ailes neuves à 173. Malheureusement, depuis cette prolongation du contrat, l’USAF veut bloquer ces travaux pour économiser environ 500 million de dollars, ne gardant que les 42 appareils déjà modifiés dans ce standard.
Des réservoirs de carburant externes de 2’271 L sont testés en conditions de combat, alors que les premiers tests en 1997 n’avaient jamais été réalisés dans ces conditions. À part une légère diminution de la stabilité de l’appareil dans ses évolutions en lacet, aucune dégradation des performances n'est visible et le temps de vol sur zone est prolongé de 45 à 60 minutes.
Divers essais ont aussi été menés sur des A-10 pour l’utilisation de divers carburants de substitution. Le 25 mars 2010, un A-10 vole avec un mélange contenant 50% de biocarburant issu de caméline. Le 28 juin de la même année, c’est un carburant appelé ATJ (Alcohol-To-Jet) qui est utilisé, fabriqué à base de végétaux fermentés et modifiés ensuite en carburant pour l’aviation. Un autre carburant synthétique dérivé d’huiles végétales, de charbon et de gaz naturel est également testé par la suite.
En 2011, un A-10 est démilitarisé afin d’être utilisé pour l’étude des conditions atmosphériques extrêmes par des centres de recherche scientifique civils américains. Il remplace un T-28 "Trojan" utilisé jusque là. Durant ces vols, son blindage lui permet de résister à des tempêtes de grêle à haute altitude avec des vents de plus de 300 km/h. Les appareils de mesures et éventuellement du lest sont installés à la place du canon Avenger.
Dans son programme PE (Precision Engagement), l’USAF étudie l’intégration d’un casque muni d’un système de visée depuis 2010 et le système Scorpion de Gentex Corporation est évalué avec succès. Depuis ces essais, les divers plans de carrière… et de retraite des A-10 sèment le trouble dans les programmes de modernisation, mais au début de 2014, sous la pression du Congrès, ce programme semble maintenu, de même que l’intégration d’un nouvel IFF.
En juin 2014, la votation d’un amendement bloque la mise à la retraite des A-10 avant mi-2016.
L’appareil devrait néanmoins être remplacé à terme par le F-35. La grande question est "quand est-ce que ce sera possible ?" D’ici là, l’USAF aimerait économiser en remplaçant ses A-10 par des F-16 plus polyvalents qui utiliseraient des munitions guidées tirées à distance de sécurité. Les unités de troupes au sol, par contre, aimeraient que les A-10 restent en service, car aucun autre appareil n’est aussi présent et efficace pour ces missions d’appuis et de contrôle aérien avancé.
Durant l’année 2014 et peut-être les suivantes, de nombreuses décisions vont être prises sur l’avenir de cet appareil si particulier, avec une seule certitude : après sa mise à la retraite, il n’y aura plus d’avions aussi bien adapté que lui pour les missions d’appui aérien rapproché.
Texte de Flavien et de Jericho, avec leur aimables autorisations.
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