Historique
Le YF-23… Un très bel appareil aux lignes inhabituelles, qui fut le concurrent malheureux du F-22A. Beaucoup ont regretté, et regrettent encore, qu'il ne fut pas choisi face à un appareil qui lui semblait déjà à l'époque globalement inférieur et finalement plus conventionnel.
Lorsque les États-Unis découvrirent l'existence du MiG-29 et du Su-27 en 1978, ils se rendirent compte qu'ils seraient probablement de redoutables concurrents pour leur F-15, notamment en terme de maniabilité. En 1981, ils chargèrent plusieurs compagnies aéronautiques de formuler leur vision d'un nouvel avion de combat, l'ATF (Advanced Tactical Fighter). Il en résultat que le combat air-air serait prédominant, et que l'appareil devait bénéficier des toutes nouvelles technologies telles que les matériaux composites, les alliages légers, les commandes de vols avancées, de moteurs plus puissants et de la technologie "stealth". L'ATF était destiné à remplacer le F-15.
En octobre 1985, L'USAF lança un appel d'offres dans de tels termes. Il fut modifié en mai 1986, afin d'y inclure l'évaluation des prototypes des deux futurs finalistes. La Navy, elle, déclara qu'elle utiliserait un dérivé du vainqueur de l'ATF, le NATF, pour remplacer ses F-14. Les besoins furent alors évalués à 750 appareils pour l'USAF et 546 pour l'US Navy.
Lockheed, Boeing, General Dynamics, McDonnell Douglas, Northrop, Grumman et Rockwell soumirent leurs projets en juillet 1986. Les deux derniers furent rapidement exclus de la compétition. Lockheed, Boeing et General Dynamics formèrent une association pour développer ensemble celui de leur projet qui serait choisi, Northrop et McDonnell Douglas firent de même de leur côté.
Ce sont les projets de Lockheed et de Northrop qui furent choisis comme finalistes le 31 octobre 1986. Ils eurent alors 50 mois pour construire et tester leurs prototypes. Ils réussirent, donnant le YF-22 d'une part et le YF-23 d'autre part.
L'YF-23 répondait aux demandes spécifiées par le programme en termes de survivabilité, de supercroisière, de furtivité, et de facilité de maintenance. Northrop avait utilisé son expérience issue du B-2, mais aussi du F/A-18, afin de réduire sa signature radar et infrarouge. Le programme, au départ, exigeait que l'appareil puisse se poser en moins de 2000 pieds (610 m), ce qui nécessitait des reverses. En 1987, la distance d'atterrissage fut ramenée à 3000 pieds (914 m), rendant les reverses inutiles et permettant de réduire la surface des nacelles moteurs. Cependant, elle ne fut pas réduite sur les prototypes.
L'YF-23 avait un design assez peu conventionnel, qui frappe aujourd'hui encore. Outre les ailes en diamant (devenues depuis très courantes), il disposait d'un empennage en V monobloc (faisant un angle de 45° avec la verticale), et d'un fuselage dessiné en fonction de la loi des aires. Son train d'atterrissage tricycle, par contre, venait pour la roue avant du F-15 et pour les roues principales du F/A-18. Contrairement au YF-22, il ne disposait pas de poussée vectorielle, mais ses tuyères reprenait le système du B-2, qui réduisait la signature IR vers le bas en particulier. Les gouvernes étaient dirigées par un ordinateur central, les ailerons et les flaps faisaient office d'aérofreins.
2 prototypes furent construits : le premier YF-23A était désigné PAV-1 (Prototype Air Vehicle 1) et immatriculé 87-0800. Il fut peint en gris charbon, et fut surnommé Spider et "Black Widow II" (en référence au P-61 de la seconde guerre mondiale). Il fut équipé de deux moteurs Pratt & Whitney YF119. Il effectua son roll-out le 22 juin 1990, et effectua le vol inaugural de 50 minutes le 27 août, entre les mains d'Alfred "Paul" Metz.
Le deuxième fut désigné PAV 2 et immatriculé 87-0801. Peint en deux tons de gris clair, il fut surnommé Gray Ghost. Il était motorisé par deux General Electric YF120 (les moteurs YF119 et YF120 étant eux aussi en compétition). Il effectua son premier vol le 26 octobre 1990 entre les mains de Jim Sandberg.
PAV-1 supercroisa à Mach 1,43 le 18 septembre 1990, et PAV-2 à Mach 1,6 le 26 novembre 1990. Il atteignait une vitesse maximale de Mach 1,8. En comparaison, le YF-22 supercroisait à Mach 1,58. L'YF-23 disposait de deux soutes, optimisées pour l'emport de missiles air-air. Mais contrairement au YF-22, il n'effectua jamais d'essais de tir. Le 30 novembre 1990, PAV-1 démontra sa disponibilité en effectuant 6 vols en 10 heures. Les deux YF-23A effectuèrent 50 vols, soit un peu plus de 65 heures, jusqu'en décembre 1990.
Le 23 avril 1991, le YF-22 motorisé par le YF119 fut déclaré vainqueur par le secrétaire à la Défense, Donald Rice. L'YF-23 était plus furtif (grâce à son empennage en V et à ses nacelles-moteurs, sans compter un conduit en S cachant le réacteur) et plus rapide que l'YF-22, doté d'une plus grande autonomie et d'un armement plus important, mais moins agile. De plus, en choisissant l'YF-22 et le moteur YF119, il semble que l'USAF ait voulu limiter les risques. De plus, l'YF-22 serait probablement plus facilement navalisable, bien que le programme NATF fut abandonné en 1992.
Les deux YF-23A furent dépouillés de leurs moteurs et convoyés au Dryden Flight Research Center, le centre de la NASA à Edwards AFB. La NASA envisageait d'utiliser un des appareils pour des vols de tests, qui n'eurent jamais lieu.
Une variante de bombardement du YF-23 fut proposée fin 2004 à un programme d'intérim, pour lequel le FB-22 et le B-1R concourraient également. Le PAV-2 aurait alors été modifié. Mais ce programme fut abandonné pour un programme de bombardier plus ambitieux, le Next-Generation Bomber.
Les deux YF-23A furent stockés jusqu'en 1996 avant d'être convoyés dans des musées, PAV-1 au National Museum of the United States Air Force près de Dayton, depuis 2009 (il dut être restauré) et PAV-2 au Western Museum of Flight. Réclamé par Northrop en 2004 pour son projet de variante de bombardement, il est revenu en 2010 et exposé à Torrance Airport, en Californie.
Aujourd'hui encore, certains regrettent que le YF-23 ne fut pas choisi, surtout en constatant l'échec du F-22 finalement construit à moins de deux cent exemplaires au lieu des 750 prévus. On estime que le YF-23 aurait été nettement plus performant. Mais on oublie aussi que le F-23A aurait été sans doute été encore plus cher, et encore moins bien adapté aux missions actuelles, donc certainement construit à encore moins d'exemplaires. Après tout, le YF-22 et le YF-23 furent conçus à la toute fin de la guerre froide, et celle-ci était déjà terminée lorsqu'ils sortirent d'usine.