Historique
En février 1937, l'USAAC réclama un intercepteur hors norme : il devait être monomoteur, posséder un train tricycle, voler à 680 km/h et atteindre l'altitude de 6100 mètres en moins de 6 minutes, emporter une charge utile de 1000 livres comprenant un canon, et être propulsé par un moteur Allison à refroidissement liquide doté d'un compresseur General Electric. Le lieutenant Benjamin S. Kelsey et le capitaine Gordon P. Saville furent à l'origine d'une telle demande, ambitieuse pour l'époque. Elle était appelée Circular Proposal X-609.
Bell y répondit pourtant avec son Model 11. Sa particularité fut de monter le moteur, en l'occurrence un Allison V-1710 à 12 cylindres en V, derrière le cockpit. Cela permettait de placer l'armement lourd dans le nez, en particulier le canon Oldsmobile T9 de 37 mm. Placé dans le moyeu de l'hélice, cela donnait une plus grande stabilité lors du tir, donc une plus grande précision. Ce fut une des première fois où l'appareil fut conçu autour d'un système d'arme et non du moteur. Une telle configuration fut adoptée à la demande de H.M. Poyer, alors sous les ordres de Robert Woods.
Outre l'arrangement tricycle du train d'atterrissage, le P-39 se distinguait par une verrière en bulle, à laquelle on accédait par une porte des deux côtés. Pour le reste, il s'agissait d'un avion à ailes basses, de construction entièrement métallique.
Le XP-39 effectua son vol inaugural le 6 avril 1939 à Wright Field, dans l'Ohio. Il atteignait les 6100 mètres d'altitude en 5 minutes, et la vitesse de 630 km/h. Mais il accusa une perte de performance en altitude et n'arrivait pas à atteindre les 680 km/h demandées. Le NACA suggéra des améliorations aérodynamiques, notamment au niveau du compresseur.
12 YP-39 et un YP-39A (Bell Model 12) furent commandés par l'USAAC, puis testés. Des modifications furent requises, comme la suppression du radiateur externe. Le XP-39B, issu de ces modifications, vola pour la première fois le 25 novembre 1939 et montra des performances améliorées et tous les YP-39 furent portés à ce standard. 2 mitrailleuses de 7,62 mm furent ajoutées aux deux mitrailleuses M2 de 12,7 mm. Cependant, les problèmes liés au compresseur, remarqués depuis 1940, persistaient et ne purent jamais vraiment être réglés. Cela empêchait le P-39 d'opérer sainement à moyenne et haute altitude.
Le P-39 fut commandé à 80 exemplaires le 10 août 1939. 20 furent reçus sous la désignation P-39C, les suivants sous la désignation P-39D. Le P-39D fut la première version construite en série, et constamment améliorée. Elle fut suivie par les P-39F, J, L et M. Mais ce sont surtout les deux dernières versions, les N et Q, qui furent construites par milliers. Le P-39G (Bell 26) devait être un P-39D-2 recevant l'hélice du P-39F. 1800 exemplaires étaient prévus, mais les modifications en usine menèrent directement aux versions K, L, M et N sans qu'aucun P-39G ne soit construit. Les désignations P-39H et P-39P ne furent jamais utilisées.
Lors de l'attaque sur Pearl Harbor, environ 600 P-39 étaient construits. La production prit fin en 1944 avec 9584 exemplaires, dont 4773 furent envoyés à l'URSS sous la loi Prêt-Bail. L'US Navy en utilisa 7 comme drones-cibles. Une version navale, le XFL-1 Airabonita, sera également développée.
Le P-39 vit le combat sur tous les théâtres de la Seconde guerre mondiale. Mais du fait d'un turbocompresseur basique (un étage, une vitesse), ses performances en haute altitude ne furent jamais brillantes et il était bien meilleure aux altitudes inférieures à 5200 mètres. Il s'avéra vite dépassé comme chasseur (même par le Hurricane), mais brillant en attaque au sol. S'il ne laissa pas une bonne impression au Royaume-Uni, dans le Pacifique ou dans la Méditerranée, il fut particulièrement apprécié en URSS.
En effet, les pilotes soviétiques l'utilisaient lors de combats à basse altitude, et apprécièrent sa robustesse, sa résistance au climat, sa puissance de feu. Il y fut surtout utilisé dans les versions N et Q. Les P-39 surclassèrent les Bf-109 jusqu'à la moitié de la guerre. Il y fut surnommé "Kobrushka" (petit cobra). Il fut principalement utilisé en combat aérien, très peu en attaque au sol et pas du tout contre les chars. Sur les 4700 exemplaires reçus, 1030 furent perdus. Ils restèrent en service jusqu'en 1949.
L'Australie reçut 7 P-39D et autant de P-39F, dans une mesure d'urgence afin de contrer les raids japonais. Mais le P-39 fut vite remplacé par les P-40, Spitfire et même les A-31 Vengeance dès 1943.
La France commanda des P-39 en 1940, mais ne put les recevoir à temps avant l'armistice. Ils recevront des P-39N, puis Q, après l'opération Torch et participeront aux combats dans la Méditerranée en 1943. Il ne fut jamais populaire au sein de l'Armée de l'Air et il fut remplacé par le P-47 fin 1944.
L'Italie reçut 170 P-39 en juin 1944, en majorité des P-39Q, mais aussi un P-39-L, 5 P-39M et quelques P-39N. Ils furent plutôt utilisés pour l'entraînement, lequel se révéla riche en accidents, souvent mortels. Ils furent engagés au combat en septembre 1944 en Albanie, principalement dans des missions d'attaque au sol. A la fin de la guerre, 89 P-39 avaient survécus et 46 autres furent rachetés. Toujours confinés aux missions d'entraînement et toujours sujets à des accidents, ils furent retirés du service en 1951.
Lors de leur transfert en Afrique du Nord, au moins 19 P-39 durent atterrir au Portugal et furent internés. Ils furent utilisés de 1942 à 1950. Les USA furent dédommagés (rien n'y obligeait le Portugal) et offrirent 4 exemplaires supplémentaires sous forme de pièces détachées.
Enfin, la Pologne utilisa un unique exemplaire, qui fut l'avion personnel du commandant de la force aérienne polonaise, le Général Fyodor Polynine.
Après la guerre, le P-39 fut utilisé pour des courses en tant que warbird. Quelques exemplaires ont survécu : 3 sont en état de vol aux Etats-Unis, 10 sont exposés (dont un à Monino) et 4 sont en cours de restauration.
Conçu comme intercepteur à haute altitude, il se révéla raté à cause d'un compresseur bien trop simple. En revanche, utilisé à basse et moyenne altitude, il se révéla excellent, comme le montre son emploi en URSS. La légende qui veut qu'il y fut surtout employé en attaque au sol semble fausse. Mais peut-être aurait-il tiré son épingle du jeu en ce domaine.
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