Historique
Prenant en considération les retours d'expérience des pilotes ayant participé à la Guerre de Corée, l'ingénieur en chef des Skunk Works de Lockheed, Clarence Kelly Johnson, se lance en mars 1952 dans l'étude d'un intercepteur bi-sonique. Initialement identifié sous la désignation constructeur
L-246, il est validé par l'USAF en janvier 1953, et devient rapidement connu sous son nom légendaire :
F-104 Starfighter.
L'appareil se caractérise notamment par son aile de faible envergure à flèche très réduite. Ce fait unique dans l'histoire de l'aviation lui donne le surnom (parmi de nombreux) de "missile piloté". Il est pensé comme un intercepteur pur. Ainsi, la vitesse maximale est recherchée, quitte à sacrifier son rayon d'action. Sur la base de ce design, 2 prototypes désignés
XF-104 et 17 avions de présérie
YF-104 sortent des usines de Lockheed.
Le premier d'entre eux effectue son vol inaugural entre les mains de Tony Levier le 4 mars 1954. Les essais se trouvent retardés car le réacteur J79 pressenti n'est pas encore prêt. Il est alors momentanément remplacé par un J65.
Le
F-104A est admis au service actif en 1958. Le 18 mai 1958, il bat les records mondial de vitesse avec 2259,82 km/h, puis d'altitude avec 31.513 m le 14 décembre 1959. Cependant, son réacteur peu fiable, sa faible maniabilité en basse vitesse et son autonomie (très) réduite n'amènent l'USAF à n'en commander que 153 exemplaires, retirés dès 1960. Ils sont alors transférés à l'
Air National Guard (ANG) qui les conserve jusqu'en 1969. La version est néanmoins exportée en Jordanie, au Pakistan et à Taïwan, tout comme le biplace d'entraînement dépourvu de canon
F-104B, construit à 26 exemplaires.
Le
F-104C constitue la première version de chasse-bombardement. Elle est construite à 77 exemplaires. Son pendant biplace
F-104D est quant à lui produit à 21 exemplaires. À noter que ces versions sont équipées d'une perche de ravitaillement en vol amovible et d'un réacteur J79-GE-7. Entrés en service dans l'USAF en septembre 1958, ils sont également reversés à l'ANG, qui les retire en juillet 1975.
En 1955, l'Allemagne autorisée à disposer à nouveau de sa
Luftwaffe, choisit le F-104 comme intercepteur face au Mirage III. Elle réclame cependant pour son appareil une avionique et une électronique adaptés à l'Europe. Cette demande donne naissance au
F-104G (pour
Germany) qui est généralisée à plusieurs pays de l'OTAN. Outre des capacités tout-temps, ce Starfighter présente une structure renforcée pour pouvoir mener des missions d'attaque au sol, voire de frappe nucléaire.
Les Allemands reçoivent un total de 916 F-104G dont 30 % sont perdus, causant la mort de 113 pilotes. Environ un tiers des accidents sont imputables à une extinction subite du réacteur. Si le F-104G allemand n'est malheureusement pas le seul à afficher un tel taux d'attrition, le secret qui entoure les enquêtes attise la curiosité des médias et provoque un scandale politique, d'autant plus que de forts soupçons de corruption pèsent sur Lockheed. C'est pourquoi, plus qu'aucun autre, le F-104G reçoit le triste surnom de "cercueil volant" ou de "faiseur de veuves". Effarant, son taux d'attrition dépasse les 50 % au Canada, atteint 30 % en Belgique et 38 % en Italie. À contrario, l'Espagne et le Japon qui l'utilisent comme pur intercepteur ne souffrent que d'un taux moindre, voire nul.
Le F-104G, construit à 1122 exemplaires, est également exporté en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Grèce, en Italie, aux Pays-Bas et en Turquie. Il existe aussi une version de reconnaissance, le
RF-104G construit à 189 exemplaires et le
TF-104G d'entraînement biplace, à 220 exemplaires.
Le
F-104J désigne la variante nippone du F-104G. Principalement construite sous licence par Mitsubishi, 210 exemplaires équipent le pays du Soleil Levant.
Le
CF-104 est quant à elle la version canadienne du F-104G. 238 exemplaires sortent des usines et sont aussi exportés au Danemark, en Norvège et en Turquie.
L'ultime version, le
F-104S, est mise en oeuvre par l'Italie et la Turquie. Ses capacités sont largement améliorées par rapport au F-104G : les progrès portent essentiellement sur l'autonomie, la charge offensive et sur une modernisation de l'électronique.
Bien qu'il est son premier chasseur à atteindre Mach 2, L'USAF ne s'est jamais déclarée satisfaite du F-104, jugé inférieur à d'autres modèles. Sa participation à la Guerre du Vietnam se limite au chiffre relativement faible de 5000 missions, et se solde par 14 pertes, sans victoire connue.
En 1967, un F-104 taïwanais réussit à abattre un MiG-19 chinois. Il participe également aux conflits indo-pakistanais de 1965 et 1971. Si en 1965 ses capacités lui permettent encore faire bonne figure, il est déjà clairement dépassé par les MiG-21 en 1971.
La NASA en utilise 11 entre 1956 et 1994. En 2004, le dernier appareil est retiré du service actif par l'Italie. Au total, 2578 exemplaires ont été produits.
Comme on peut le constater, le Starfighter est un appareil controversé, sans doute brillant dans un pur rôle d'intercepteur mais dangereux comme chasseur-bombardier. Comment un appareil pratiquement rejeté par l'USAF et qui s'est révélé impropre au combat aérien, a-t-il pu avoir autant de succès à l'exportation ? Il est difficile d'y répondre sans y mêler politique et corruption.
Texte de Clansman, avec son aimable autorisation
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