[quote][b][url=/v3/forum/le-bar-de-lescadrille-16/topic/topic-humour-1013/?post=96248#post-96248]clansman[/url] a dit le 26/02/2014 à 09:44 :[/b] Examen de fin d'année d'histoire européenne du 19ème siècle – Sciences Po 2001-2002 Copie de l'élève Nicolas Pétriat, 17 Juin 2002 Sujet : « La démocratie politique permit-elle de pacifier les sociétés européennes dans le long 19ème siècle (France exclue) ? » C’est un excellent sujet, je vous remercie de me l’avoir posé. A la question ô combien douloureuse de savoir si la démocratie politique permet oui ou non de pacifier les sociétés européennes dans le long 19ème siècle France exclue, je répondrai sans hésiter non, et il me semble que nous en aurons fait le tour. Par contre, il me semble intéressant de discuter les termes de l’énoncé. D’abord, le concept de long 19ème siècle. L’absence de guillemets me scandalise. Pas que je tienne spécialement à défendre la propriété intellectuelle -notez que la propriété, c’est le vol, mais de là à piquer les idées d’Hobsbawm, surtout quand elles ne volent pas très haut, il y a un pas. Rendons donc à César ce qui appartient à Hobsbawm, surtout quand ça ne présente aucune utilité pratique et une valeur esthétique quasiment nulle. De plus la notion est non seulement inutile, mais également contestable. Si nous posons que : - 1 siècle = 100 ans - le 19ème siècle s’étale grotesquement de 1815 à 1914. Il est enfantin de se rendre compte que 1914-1815 = 99 et 99 < 100 D’où il résulte que pour un siècle long, le 19ème est relativement court, en plus de dépasser subrepticement sur le 20ème en faisant comme si de rien n’était, le 19ème siècle est d’ailleurs coutumier de ce genre de petites tricheries, qui ne prêtent pas à conséquences mais font désordre et défrisent les chronologies. Déjà que le Christ n’est même pas né le jour de son anniversaire, alors si vous en rajoutez en plus on ne va pas s’en sortir. Ici, il y aurait une intéressante digression à faire sur l’idée nietzschéenne de l’éternel retour, mais cela nous entraînerait trop loin. Je renvoie donc le lecteur intéressé à l’œuvre du philosophe à moustache et aux pages que l’écrivain rasoir Milan Kundera y a consacré, qui sont d’ailleurs parmi les moins mauvaises de son œuvre. Concernant l’exclusion de la France, il me faut ici clamer haut et fort mon indignation. Enfin pas trop fort quand même, y en a qui essayent de travailler, les pauvres. Pourquoi diantre exclure la France ? Nous voilà revenus en 1815, quand la Patrie des droits de l’Homme et des rillettes du Mans suscitait l’hostilité de ses voisins qui lui foutaient des Etats-tampons plein les frontières. Cet isolement, cette exception culturelle sont à dépasser. Rendons-nous à l’évidence : une Europe sans la France, c’est comme une romance sans parole, un martini sans olive, un vers de Hugo sans emphase, un vers de Verhaeren sans adverbe, une moustache sans trottinette, un flic sans matraque, ça ne vaut pas le coup. Pour ce qui est de la démocratie, je me bornerai, dans un premier temps, à rappeler cette phrase de Ducasse, Isidore de son prénom, Montévidéen de naissance, c’est pas l’Europe, certes, mais ce n’est pas non plus la France, donc je cite : « la Poésie doit être faite pour tous, non pour quelques cons ». Bon, je vous accorde que ce n’est pas ce qu’il a écrit de plus flagrant, mais on ne peut pas mijoter un canard du doute aux lèvres de vermouth tous les soirs, et il y a des jours où rien ne se rencontre sur les tables à dissection. Vous me direz qu’on s’éloigne du sujet. Je vous l’accorde sans peine. Quoique. Poésie et politique ne sont pas des domaines éloignés, surtout au 19ème siècle. (Il est vrai qu’aujourd’hui, on voit mal Jean-Pierre Verrhegen soulever la Belgique à force de calembredaines, mais Verhaeren était autrement plus efficace, que ce soit dans ses Flamandes (j’ouvre une seconde parenthèse pour me demander si je ne confonds pas avec une chanson de Jacques Brel) ou encore Toute la Flandre, et je ne vous parle même pas de Petöfi, qui en 48, vous torchait des Debout Hongrois à décaper les lavabos ; bizarrement, sur les chromos de l’époque, on le voit déclamer son baratin debout devant des Hongrois à genoux. Mais bon.) De ce qui précède il résulte que la démocratie poétique permet de soulever des montagnes, amen. Mais recentrons sur la question politique. Il y a là encore une entourloupe de taille maousse ; ce 19ème siècle est vraiment taquin. Clairement, plus on donne au peuple le droit de s’exprimer, plus on espère qu’il va fermer sa gueule. Comme pour le cinéma, dont Welles disait qu’à partir du moment où il a cessé d’être muet, il n’a plus rien eu à dire. Non, ce n’est pas vrai, Welles n’a jamais dit ça, je vous charrie. J’aime bien de temps en temps, ça détend l’atmosphère. Ceci étant, la poésie est vraiment un facteur de l’affirmation du sentiment national dans les masses, voir Dante en Italie, pour imposer le Florentin, alors que franchement l’Arioste était bien plus amusant (et je ne vous parle même pas de Pétrarque, pas plus que de Mickiewicz Adam dont le Pan Tadeusz reste (Je sais qu’il manque une partie de la phrase, mais elle ne vous manque pas tant que ça, ne faites pas semblant, ça ne prend pas). Pour revenir à la question politique dont, ne nous voilons pas la face, nous nous étions quelque peu écartés, plus on élargit le suffrage, plus on réduit sa portée, comme pour les Winchesters à canons sciés, ce qui n’empêche pas Clint Eastwood de loger une balle dans un croûton de pain à 500 mètres. De plus, les colts de l’époque n’avaient absolument pas cette précision, et on ne voit bien que Lee Van Cleef est myope. Le suffrage donc, car c’est là de quoi il s’agissait. Le but est, comme le montrent des caricatures de l’époque, d’amener le révolutionnaire à troquer son fusil chargé contre un bulletin de vote qui soit un pétard mouillé, admirez la métaphore, si si, elle est très belle. Comment rendre le vote totalement inutile ? Et bien c’est très simple. On peut a) truquer honteusement les élections (bourrages des urnes, découpages des circonscriptions en forme de test de Rorschach, vol des bulletins, intimidation des électeurs ou rémunération des mêmes électeurs, surtout en liquide alcoolisé, quand on vote dans les bistrots) b) adopter un système électoral astucieusement tarabiscoté. Par exemple, pourquoi ne pas adopter un système de vote par classe, élégant et efficace, qui permet d’assurer aussi bien l’universalité du suffrage que la particularité des résultats ? Prenez un électorat, découpez-le en quatre tranches, selon le degré d’imposition, dorez au four quatre minutes, nappez de caramel, agrémentez de noix de coco pilée, servez tiède, recette traditionnellement connue sous le nom d’électorat melba. Chaque classe élit un quart des représentants, mais pour rendre le système plus rigoureusement inégalitaire, il conviendra de donner à chaque classe de voter non seulement pour ses représentants, mais aussi pour ceux des classes moins imposées qu’elle. Les plus riches votent quatre fois, les un peu moins 3 fois, les beaucoup moins 2 fois, les pas du tout une seule fois, fou rire garanti. Excellents résultats en Allemagne (on y trouve une circonscription ou Krupp est le seul électeur de sa classe, ce qui lui donne celle d’une pub pour rasoir jetable) et sans doute en Autriche, mais là je ne suis pas formel, et d’ailleurs vous savez ça mieux que moi. Egalement recommandé quoiqu’un peu plus vulgaire, le vote plural, assez utilisé en Angleterre, mais surtout le bicamérisme inégalitaire ou non, avec une chambre aristocratique disposant de pouvoirs forts. Il s’agit dans l’ensemble de simuler la démocratie, ça calme le peuple et ça mange pas de pain. Cependant, car il y a un mais, mais je trouve que ça sonnait mal en tête de phrase, alors j’ai remplacé par cependant, c’est plus euphonique. Cependant, disais-je pas plus tard qu’à l’instant, ces simulacres (j’adore ce mot) ne passent pas inaperçus, ou en tout cas pas de tous, et moult mouvements s’écartent de la politique et de la démocratie représentative au profit de méthodes plus directes, plus explosives aussi, que ce soit la propagande par le fait chez les anarchistes, ou l’anarcho-syndicalisme chez les anarcho-syndicalistes. Il convient de noter ici que les méthodes en question furent immortalisées dans la série Mac Gyver, à laquelle je tiens ici à rendre un vibrant hommage, même si je continue à penser que Shérif, fais-moi peur était plus dense sur le plan de la psychologie et des klaxons. En conclusion, il serait temps d’annoncer le plan, après quoi je prendrai des vacances d’autant plus douces qu’elles seront totalement imméritées, vu que j’en ai pas foutu une ramée, et aussi des cours d’orthographe. I. Des régimes non démocratiques... 1. Les régimes complètement autocratiques et les régimes libéraux... 2. génèrent révoltes et émeutes (jusqu’à 1852, en gros) II. Aux simulacres et simili... 1. L’élargissement progressif du suffrage (à quoi il faut ajouter alphabétisation, scolarisation, culture) 2. « d’où chose remarquable, rien ne s’ensuit » (c’est de Musil, le titre d’un de ses chapitres, et une des deux ou trois bonnes choses qui traînent dans ce livre remarquablement obèse qu’est l’Homme sans qualité) III. Et le développement d’autres formes de la politique 1. anarcho-syndicalisme 2. internationalisme Je vous remercie de votre attention.[/quote]