[quote][b][url=/v3/forum/histoire-et-actualit%C3%A9s-45/topic/conflit-en-afghanistan-713/?post=40774#post-40774]iceʹ[/url] a dit le 25/09/2009 à 23:56 :[/b] [quote]l'Afghanistan c'est surtout une mosaïque de peuple (pachtounes, tadjiks, azaras etc.) qui ont peur que leur voisin prennent le pouvoir et qu'il favorise ses liens tribaux. Alors le chef providentiel tu le trouveras pas, si tu met un pachtoune (comme Karzaï) tous les autres peuples ont peur et idem si tu mets un Tadjik ou un Azaras. Même Massoud avec sa légitimité de la résistance contre les soviétiques n'a pas pu fédérer le pays[/quote] Je me permets de rebondir sur cette réflexion intéressante faite en page 1 avec une petite analyse effectuée dans le cadre de mes études (relations internationales et stratégie). Il s'agit donc d'un commentaire de texte sur un rapport effectué par l'ambassadeur de France revenant d'Afghanistan en 1963. [size=150] L’Afghanistan[/size] Commentaire de texte : Rapport de fin de mission de l’ambassadeur de France en Afghanistan, 1er janvier 1963 [size=150]Introduction : [/size] L’auteur évoque un pays tourmenté, ingrat et il est vrai que ce n’est pas la situation géographique du pays qui contrediront cette affirmation. Situé aux limites du Proche-Orient et de l’Asie, l’Afghanistan est un pays de hauts plateaux et de montagnes, sans accès à la mer, et où la végétation est rare. C’est un pays de montagnes impénétrables, de déserts impitoyables et de climats extrêmes. Du fait que son territoire de 652 090 km² est enclavé au carrefour des civilisations persane, turque, arabe, indienne, chinoise et russe cette position stratégique a longtemps entraîné des luttes d’appropriation du territoire. L’histoire de l’Afghanistan est en effet jalonnée de nombreuses invasions: Perses, Alexandre le Grand, Huns, Arabes, Turcs, Mongols de Gengis Khan, Indiens, Britanniques et Soviétiques. Partout à travers le pays, les ruines témoignent des nombreux règnes, invasions et carnages qui ont eu lieu en Afghanistan. Et c’est cela même qui est à l’origine de l’Afghanistan que nous connaissons, les Afghans comptant effectivement en leur sein tous les peuples que les envahisseurs ont rassemblés. C’est la raison pour laquelle Arnaud d’Andurain parle des ancêtres des Afghans qui sont en fait un mélange de très nombreuses ethnies parmi lesquelles on en retiendra quatre principales que sont les Pashtouns (38%), les Tadjiks (25%), les Hazaras (19%), et les Ouzbeks. Historiquement, les Pashtouns se sont souvent politiquement et militairement opposés aux Tadjiks et l'un des grands principes séculaires qui anime les tribus pashtounes est la vengeance (ou vendetta) qu'elles pratiquent entre elles ou contre les autres ethnies du pays. On comprend alors mieux l’auteur lorsqu’il évoque les sentiments de rudesse et de méfiance qui caractérisent les populations afghanes. [size=150]Problématique :[/size] Au regard des réflexions que suscitent les premières lignes du texte d’Andurain, on commence à entrevoir le problème qu’il soulève dans ce rapport de fin de mission. C’est cela même qui constituera notre problématique, à savoir : Est-il possible de parler d’indépendance et de politique étrangère comme le fait l’auteur pour un pays tel que l’Afghanistan ? Ceci amène alors l’interrogation suivante : la nation Afghane existe t-elle réellement ou sommes-nous face à un Etat créé de toutes pièces au gré des invasions et des traités? [size=150]Plan : I/Un Etat soumis aux luttes d’influence II/L’Afghanistan face à l’ingérence Soviétique[/size] [size=150]I/Un Etat soumis aux luttes d’influence[/size] On note dès le début du texte l’idée de sauvegarde de l’indépendance afghane qui semble être un sujet important pour un pays qui peine alors à se faire reconnaître comme nation à part entière. L’Afghanistan est alors un pays très jeune dont l’indépendance date d’août 1919 et dès les premières années, l’Afghanistan se place dans une situation de dépendance vis-à-vis de l’URSS qui équipe et entraîne ses forces armées. Cette influence russe va d’autant plus se renforcer que le Pakistan, en conflit avec l’Afghanistan, signe un pacte d’assistance militaire avec les Etats-Unis. Cependant, cette influence soviétique ne se fait vraiment ressentir que dans le domaine militaire là où en matière économique et technique, les deux grands sont à égalité. Le pays est alors le terrain d’une féroce lutte d’influence entre les deux géants qui se disputent la souveraineté du pays. On est alors en pleine Guerre Froide, la crise des missiles de Cuba vient de se terminer (28 Octobre 1962) et les tensions sont extrêmement vives entre Etats-Unis et URSS qui tentent d’asseoir leur influence sur les derniers pays non alignés. L’auteur voit l’intérêt que porte les deux grands à l’Afghanistan comme une chance pour le pays qui se joue de la compétition Etats-Unis/URSS en en faisant un multiplicateur de puissance pouvant aider au développement économique du pays. Cette compétition est une arme et le choix de l’Afghanistan de ne pas se positionner pour l’un ou l’autre des deux blocs tout en acceptant l’aide de ces derniers permet à la nation afghane de crier haut et fort sa neutralité. Le pays se place en effet dans une logique de non-alignement et veut profiter de l’intérêt des deux grands pour avancer vers le développement économique et donc à plus long terme vers l’indépendance totale du pays. Cependant, on voit bien que d’Andurain lui-même ne croit pas à cette possibilité et considère plutôt que l’Afghanistan se dirige vers une dépendance grandissante vis-à-vis de l’assistance soviétique qui, je cite (l.11) : «l’emporte en étendue sur l’assistance de l’Amérique ». Selon l’auteur, la politique menée par l’Afghanistan la rapproche inéluctablement de la soumission à une puissance étrangère là où depuis l’indépendance en 1919, le pays n’a de cesse de tout mettre en œuvre pour se créer une place à part entière dans le concert des nations. On peut citer pour illustrer cela les mesures radicales destinées à moderniser les institutions traditionnelles qui furent imposées en 1923 à la suite de l’instauration d’un gouvernement constitutionnel. On note aussi l’établissement de relations commerciales étroites avec l’Allemagne, l’Italie et le Japon en 1931 ou encore l’entrée de l’Afghanistan aux Nations Unies en Novembre 1946. Tous ces éléments montrent en effet la volonté de se positionner comme nation à part entière en se construisant une politique économique et une politique étrangère propre. Arnaud d’Andurain considère que l’Afghanistan se jette dans la gueule du loup soviétique qui, de surcroît, est en parfaite opposition avec « le système politique et la doctrine » alors défendue par la nation afghane. L’URSS est alors une dictature communiste là où souffle sur l’Afghanistan un vent de modernisation sous le règne de Zahêr Shah et l’on note par exemple l’abandon du voile islamique ou encore la mixité des universités. A cela vient s’ajouter la promulgation d’une nouvelle constitution en 1964 et en 1965 les partis politiques sont autorisés. On en vient alors ici à un premier bilan peu optimiste pour l’Afghanistan qui semble, après une trentaine d’années d’indépendance, renouer avec les vieux démons de la soumission à l’influence étrangère. Le pays mène une politique dangereuse pour son indépendance en jouant plus ou moins habilement du combat que se livre les deux grands. L’Afghanistan, terre sans cesse soumise à l’étranger ne sait gérer son indépendance. Elle se laisse doucement entraîner par le géant soviétique qui petit à petit grignote l’indépendance pourtant si récemment acquise. Arnaud d’Andurain voit plusieurs raisons à cela et c’est ce que nous allons maintenant étudier. [size=150]II/L’Afghanistan et l’ingérence soviétique[/size] A cette soviétisation de l’Afghanistan, l’auteur voit tout d’abord comme explication ce qu’il appelle le rêve du Pashtounistan. Cette crise trouve ses racines quelques années en arrière en 1878. Les forces armées anglo-indiennes envahirent une nouvelle fois l'Afghanistan et la campagne militaire britannique fut couronnée d’un certain succès et, par le traité de Gandarak (26 mai 1879), le souverain afghan dut accepter un semi-protectorat anglais qui visait à isoler le pays de toute influence extérieure autre que britannique. Les Britanniques annexèrent la partie du territoire afghan située entre, d’une part, le fleuve Indus et, d’autre part, la célèbre passe de Khyber. La moitié des Pashtounes se trouvèrent ainsi sous contrôle du gouvernement britannique de l’Inde (aujourd'hui au Pakistan). Puis la Grande-Bretagne imposa en 1893 la «ligne Durand» qui avalisait cette conquête. Le Traité de la ligne Durand, qui fut signé le 12 novembre 1893 entre Abdul Rahmân Khân, l’émir de Kaboul, et Sir Henry Mortimer Durand, le secrétaire des Affaires étrangères du gouvernement britannique de l’Inde, apportait de vastes zones habitées par les Pashtouns d'Afghanistan sous le contrôle administratif des Britanniques. En 1947, soit avec l'accession à l'indépendance de l'Inde et du Pakistan, l'Afghanistan demanda la tenue d'un référendum d'autodétermination dans la province de la Frontière du Nord-Ouest, région du Pakistan peuplée essentiellement de Pashtouns et de Baloutches. Le 2 juillet 1949, le Parlement afghan proclamait l’annulation des accords signés par les précédents gouvernants afghans avec le gouvernement britannique de l’Inde, dont surtout le fameux accord Durand qui avait cédé de vastes portions du territoire afghan à l’Empire des Indes britanniques. Cette loi unilatérale d’annulation et de résiliation de l’accord Durand a, à l’époque, gagné la grande admiration du public afghan. Les tensions entre le Pakistan et l'Afghanistan persistèrent pendant plusieurs années, car le projet afghan — dont celui de créer un «Grand Afghanistan» incluant les territoires perdus — n'a évidemment jamais abouti, le Pakistan n’ayant aucun intérêt à résilier cet accord Durand et s'amputer lui-même d'une partie de son territoire actuel. Ce rêve du Pashtounistan était soutenu par les soviétiques comme le prouve la visite en 1955 du Premier ministre soviétique Boulganine, qui se dit favorable à la création d'un État du Pashtounistan. On comprend alors ici beaucoup mieux la décision des dirigeants afghans de se tourner vers l’URSS là où les Etats-Unis venaient de signer un traité d’assistance militaire avec le Pakistan. Le second argument d’Andurain s’entend là aussi plus clairement et il est vrai que le pouvoir afghan ayant promis plus que ce qu’il pouvait en fait réaliser s’est enfermé dans un véritable cercle vicieux que la Russie a parfaitement exploité. Elle a su profité d’une position de faiblesse du gouvernement afghan pour se glisser dans la brèche et offrir son soutien dans une affaire qui ne la concerne pas au premier plan. On constate aussi que d’Andurain se positionne en opposition avec la politique afghane de l’époque qui consistait à penser que l’URSS ne franchirait pas le pas d’une intervention de grande envergure. Moscou renoncerait alors à l’image qu’elle s’est construite de protectrice des pays sous-développés et non-alignés du Tiers-Monde. Ceci reviendrait comme le dit l’auteur à « lever le masque » sur ses intentions réelles et donc a ruiné l’image d’une nation anti-capitaliste et résolument tournée vers l’aide et le développement des pays sous-développés. L’auteur termine enfin ce rapport par une étude prospective de la situation en considérant que si la Russie franchissait le point de non retour, les Etats-Unis ne pourrait la laisser faire sans intervenir d’une quelconque façon. Il est ici important de rappeler que nous sommes en janvier 1963 et que les évènements donneront raison à d’Andurain moins de vingt ans plus tard en décembre 1979. L’Afghanistan représente pour les soviétiques un moyen de « s’abreuvoir dans les eaux de l’Indus », objectif auquel ils ne veulent renoncer. La situation que pointe du doigt le rapport est donc celle d’un pays en proie à une influence soviétique grandissante et qui ne semble absolument pas consciente du cercle dans lequel elle est enfermée. Les évènements ont depuis confirmé les idées de l’auteur et ce sont bien les Stinger américains qui ont chassé les soviétiques d’Afghanistan. [size=150]Conclusion :[/size] Ce rapport de fin de mission de l’ambassadeur d’Andurain montre un pays quelque peu perdu ne sachant pas vraiment gérer l’influence destructrice des deux grands. L’Afghanistan est un pays indépendant depuis peu et les piliers sur lesquels il est construit sont fragiles. C’est un Etat plus qu’une nation et on est face à une conscience tribale et clanique plus que nationale et cela l’auteur le sous-entend dès les premières lignes de son rapport. Le constat n’est pas plus positif dans les lignes qui suivent et l’on se rend compte que le pays se laisse peu à peu aspirer par le tourbillon soviétique qui exploite la moindre brèche du gouvernement afghan. Il est donc difficile de parler de nation afghane tant l’influence étrangère a façonné le pays au cours des siècles. Les choses ne changent donc pas vraiment et l’Afghanistan s’oriente irrémédiablement vers la soumission à l’influence étrangère. Cela ne fait cependant pas de l’Afghanistan un pays facile à conquérir et les différentes nations qui ont tenté de s’approprier ce territoire se sont finalement heurtés à la ténacité des Afghans. Un proverbe afghan dit la chose suivante : « Moi contre mon frère, moi et mon frère contre mon cousin, moi mon frère et mon cousin, tous unis contre l’étranger ». On comprend alors que bien que ne jouissant pas d’une véritable conscience nationale et d’un pouvoir central fort, l’Afghanistan existe par le courage et la volonté des habitants de ces terres tourmentées et ingrates. Ce petit travail, sans traiter directement du conflit actuel, vous permettra je l'espère d'appréhender avec des éléments nouveaux l'histoire récente de ce territoire si...compliqué. :)[/quote]