[quote][b][url=/v3/forum/histoire-et-actualit%C3%A9s-45/topic/guerre-en-ukraine-2716/?post=152239#post-152239]jff[/url] a dit le 11/11/2022 à 14:13 :[/b] C'est une question complexe, dont nous n'auront les éléments concrets de réponse que bien après la fin de cette guerre. Mais je pense qu'il y a plusieurs points à voir. D'abord, quand on voit beaucoup d'autres intervenants politiques en Russie, on s'aperçoit que Poutine est relativement "modéré". En faisant attention que tout cela est, avant tout, un théatre qu'il organise lui même, pour donner cette image. Son remplacement par Medvedev (qui fut un temps président de la fédération de Russie) ne serait pas forcément une bonne chose. Ensuite les exemples récents du Zaire, de l'Irak, et de la Libye incitent à de la prudence. C'est bien de virer un dictateur, mais si c'est pour enfoncer le pays dans 20 ou 30 ans de chaos et de guerre civile, ce n'est pas forcément un très bonne idée. Surtout quand il y a quelques milliers de têtes nucléaires qui se promènent dans ce pays [smiley="frown.gif"] La question principale est bien d'arrèter cette guerre. Si, objectivement, au vu des buts initiaux, Poutine a déjà perdu la guerre, le problème ne se pose plus en fonction de ces but initiaux, mais il a changé de forme pour se transformer en une lutte quasi existentielle pour la Russie de Poutine. Donc quels étaient les but initiaux de la Russie ? Le premier était bien de remplacer le régime actuel à Kiev par des marionnettes beaucoup plus dociles vis à vis de Moscou, et surtout un régime plus répressif vis à vis des libertés individuelle et de la démocratie (la démocratie fait peur à Poutine). Là c'est loupé sur tout la ligne. Le second était de reconstituer le glacis défensif à l'ouest que représentait le Pacte de Varsovie, donner cette profondeur défensive à la Russie (il faut bien voir le traumatisme qu'a représenté l'invasion allemande de 41 pour les dirigeant soviétiques, puis russes). Ici aussi, c'est loupé, puisque les autres pays ex PaVa se ré équipent en armement, et ostensiblement, face à la menace russe. Le troisième but était d'acter la mort de l'Otan, et donc la supériorité militaire de la Russie en Europe. Caramba ! encore raté ! L'Otan, qui était effectivement en état de mort cérébrale, s'est réveillé, et a montré son utilité.  A tel point que de nouveaux pays ont demandé leur adhésion, et pas n'importe lesquels : Suède et Finlande. Et ici aussi, avec le but explicite de contrer la menace russe ! Je pense qu'il existait un quatrième but, mais là je dois avouer que ça ne repose pas trop sur des éléments objectifs, mais plutot sur des impressions personnelles. Ce seraient des buts internes. J'ai l'impression que le régime russe actuel est un peu, à bout de souffle. L'économie ne va pas si bien que ça (avec une demande interne et une production qui ne suit pas), des investissements trop faibles, un manque de dynamisme, notamment dans les secteurs de pointe, et une espèce d'apathie de la population. Ajouter à ça une corruption généralisée, et une crise sanitaire très grave (Covid, mais pas que). La société russe, malgré les immenses revenus du pétrole et gaz, semble, sinon bloquée, du moins léthargique. Et comme tous les régimes autoritaires, quand la situation interne est mauvaise, la Russie a cherché une porte de sortie par une aventure externe. C'est le même schéma que pour les militaires argentins et la guerre des Malouines. Et puis il y a le rève de Poutine, qui se conçoit comme une nouveau Pierre le Grand, mais qui risque de passer dans l'histoire plutot comme un nouveau Mussolini. Donc, la guerre, vue de Russie à complètement changer de nature. Il ne s'agit plus de "libérer" les ukrainiens, peuple frère, des griffes d'un régime nazi, mais d'une lutte pour l'existence même de l'essence russe, face au grand Satan de l'Otan. Comment cela peut-il finir ? Par des négociations bien sur. Mais pour l'instant, tant que les deux adversaires pensent pouvoir l'emporter militairement, la situation est bloquée. Une négociation ne peut passer que par la défaite militaire (réelle ou potentielle) d'un des adversaires. Et ici, malgré les revers militaires actuels, Poutine mise tout sur sa volonté et l'affaiblissement du soutien occidental à l'Ukraine. Pour lui, sa volonté, et la supériorité intrinsèque (quasi mystique) d'un régime dictatorial sur les démocraties "molles" va faire toute la différence sur le long terme. Poutine envisage clairement une guerre longue, pouvant durée plusieurs années. Poutine peut il être renversé ? Question très complexe. Une chose est sure, il faut oublier tout idée de révolution populaire. Les russes ne se soulèveront pas, il n'y aura pas de remake de 1917. Par contre, la société russe manifeste de sa façon. Déjà en votant avec ses pieds, avec près d'un million de citoyens qui ont fuit le pays. D'accord, un million sur une population totale de + 140 millions, ça parait négligeable. Cependant, ce sont les éléments jeunes, dynamiques, qui partent. Ensuite, par le traditionnel "je m'enfoutisme", qui avait déjà si bien fonctionné sous le communisme et qui semble encore à l'ordre du jour. Pourquoi se fatiguer alors qu'on est mal payé, que tous les surplus vont dans la corruption, et pour une guerre dont on n'a rien à faire ? Comme il se disait du temps de l'URSS "ils font semblant de nous payer, on fait semblant de travailler". Donc pas de mouvement populaire. Un coup d'Etat militaire alors ? Cela parait tout autant improbable. Déjà Poutine, comme tout bon KGB man, a une méfiance viscérale envers l'Armée, donc s'est appliqué, tout au long de ces 20 années, à museler et controler l'Armée. Ce n'est pas pour rien que le ministre de la défense, Choigou, ne vient pas de l'armée, mais bien d'un organisme très politique : le ministère des situations d'urgence. Il y a très peu de chance que les forces armées bougent, tout au moins, pas de façons ostensibles (par contre des pressions internes, et un lachage sont possibles). Après de pronunciamientos venant d'autres structures ? (Les divers services secrets), là aussi Poutine, venant de ces contrées obscures, les a soigneusement neutralisées et controlées. A mon avis, le risque est autre, avec le développement des armées privées (Wagner, ou autres Kadirov), le renforcement du pouvoir des gouverneurs des provinces, ne serait-on pas en train de s'acheminer (toutes proportions gardées) vers un scénario à la chinoise des année 20 et 30, avec le développement des "Seigneurs de la Guerre" ? L'éclatement de la fédération de Russie, avec son arsenal nucléaire, en de multiples principautés, dirigées par des illuminés, n'est pas une situation d'avenir pour l'ensemble du monde. Le problème est donc que Poutine est incontournable pour arreter cette guerre, mais qu'il sait parfaitement que cela signifierait sa mort (politique tout au moins). Il s'est lui-même enfermé dans une logique de "la victoire ou la mort". Il s'est fermé lui même toutes les portes de sorties négociées, ne laissant que l'option d'une défaite militaire d'un des participants. Pour ceux que ça peut intéresser, je recommande la lecture de "La Fin" de Ian Kershaw. Il analyse les 10 derniers mois du régime hitlérien, et les logiques qui ont conduit à cette totale destruction.[/quote]