[quote][b][url=/v3/forum/aviation-civile-17/topic/concorde-vs-tu-144-293/?post=150736#post-150736]jff[/url] a dit le 08/07/2022 à 13:36 :[/b]

Je reviens sur ce vieux sujet, Concorde vs Tu 144, et notamment la question serpent de mer que le Tu 144 serait copié sur Concorde.

Que les soviétiques se soient livrés à un espionnage très intensif sur le projet de Concorde est un fait indéniable. Mais la ressemblance des deux appareils ne doit pas faire oublier que pour voler à Mach 2 pendant plusieurs heures, il n'y a pas beaucoup de solutions aérodynamiques. Et il n'y en avait encore moins dans les années 1960, quand ces deux avions ont été dessinés. La seule solution étant la voilure delta.
Mais, au delà d'une ressemblance superficielle, les deux appareils sont assez différents. En premier point, la voilure justement, avec la double ogive de Concorde, et le double delta du Tupolev. Et c'est bien là une caractéristique fondamentale, car induisant des performances aérodynamiques différentes. En effet, si Concorde pouvait maintenir la vol supersonique sans utiliser la post-combustion, le Tu 144 en était incapable. Il devait constamment utiliser la réchauffe, avec des conséquences en terme de bruit, de vibration, de fatigue des pièces, et de consommation.
Si les soviétiques avaient correctement copié Concorde, c'est bien ce point qu'ils auraient du pomper en premier.
Ensuite, la position des réacteurs, qui là aussi semble identique. Du fait du choix d'une aile delta, imposant un fort cabré lors des phases d'atterrissage et de décollage, la seule position possible était de les placer sous l'aile. Les soviétiques ont choisi de les grouper juste sous le fuselage, ce qui d'un coté simplifie les conduits, mais augmente le bruit (déjà fort conséquent) en cabine. Concorde les a placé en deux groupes de 2, sous les ailes, plus loin de la cabine. Ce choix limitait également les interférences aérodynamiques entre les réacteurs, problème récurrent sur le Tu 144.

Donc, quand bien même il y eu espionnage, la ressemblance (superficielle) des deux projets résulte avant tout des contraintes aérodynamiques et techniques imposées par une vol long à Mach 2, tout en transportant des passagers.

Et puis, le point principal à mon avis, est bien la gestion des projets. Alors que les franco-britanniques cherchaient à faire un avion qui vole bien (ce qu'ils réussirent fort correctement), malgré de fortes contraintes aérodynamiques et industrielles, les soviétiques ont, en fait, produit un objet de propagande, afin de montrer au monde la supériorité du système communiste .... Un programme monté en urgence (démarré après Concorde, sachant que ce dernier avait déjà bénéficié de recherches préliminaires indépendantes des deux cotés de la Manche), constamment sous pression des délais et dates, pour lequel la forme (et donc les annonces) primait sur le fond (faire un avion). D'où un échec remarquable.

Quand à l'avenir du vol supersonique commercial ?
Pour ma part, je n'y croit pas trop, car simplement le marché n'existe pas. Il peut, éventuellement exister pour des jets d'affaires (et encore ....), mais pas pour des avions de lignes. Même si on réussit à atténuer fortement les nuisances des booms soniques au dessus des terres (projet X 59 de la NASA) il reste que seule des liaisons est-ouest ont un sens, telles Europe - cote est des Etats Unis.
En effet, qui va prendre de genre de vols ? Des hommes (zé femmes) d'affaire, pour qui le temps est précieux. Donc le fait de gagner 3 ou 4 heures est important, surtout si cela se rajoute à la journée effective de travail (partir à midi de Paris et arriver à 9h à New York). Par contre, dans l'autre sens, le surcout ne se justifie plus, car n'entrainant aucun gain. En effet, les vols supersoniques partiraient en matinée des USA (parce qu'on ne va pas immobiliser un avion plusieurs heures sur des aéroports surchargés, donc retour dans la foulée) pour une arrivée en fin d'après midi en Europe. Donc une journée de travail de (presque) gachée. A contraire, les vols classiques partent en après-midi / soirée des USA, pour arriver en matinée en Europe, donc sans perte de temps productif. En en business ou première classe, le confort permet de travailler et de se reposer correctement, pour attaquer dès le lendemain. Donc, pour des hommes d'affaires, il n'y a aucun gain à faire des vols rapides entre l'ouest et l'est. Il vaut mieux prendre un vol classique, en première, et ainsi avoir pratiquement toute la journée de travail aux USA. Et idem, en pire pour les liaisons trans Pacifique, car alors le vol ouest - est en supersonique fait arriver en pleine nuit ..... 
C'est bien pour ça (outre les autres questions, de bruit, de consommation de carburant, et même d'encombrement des aéroports) qu'aucune compagnie aérienne ne demande ce genre d'appareil, et qu'aucun constructeur n'y pense sérieusement. Et que tous les projets, y compris pour des avions d'affaires (Aerion par exemple) n'ont pas dépassé le stade de la planche à dessin (enfin, des écrans d'ordinateurs, maintenant).[/quote]