[quote][b][url=/v3/forum/italie-40/topic/ansaldo-sva-3720/?post=136760#post-136760]jericho[/url] a dit le 16/07/2019 à 17:41 :[/b] [b]"Il Folle Volo" (le vol fou) : [/b] Plus haut, il a été fait mention d’un raid aérien au-dessus de Vienne, effectué par des Ansaldo S.V.A.5 italiens. Voici quelques détails sur ce vol particulier destiné à convaincre les viennois de faire pression sur leur gouvernement pour qu’il demande l’armistice. C’est l’écrivain et poète italien Gabriele d'Annunzio qui a l’idée, dès 1917, de survoler la ville de Vienne avec des avions de chasse italiens, afin d’impressionner la population autrichienne. Le gouvernement italien refuse pour des raisons techniques et politiques, liées avant tout à l'autonomie insuffisante des avions et au risque de voir d'Annunzio et d’autres aviateurs italiens tomber entre les mains de l’ennemi, ce qui retournerait l’effet médiatique en faveur de l’Autriche. Après de long pourparlers, le gouvernement italien accepte que d’Annunzio fasse des vols d’essais sur de longues distances. Le 4 septembre 1917, il effectue un vol de 10 heures sur 1’000km à bord d’un Caproni Ca3 modifié, mais il ne reçoit pas l’autorisation du vol sur Vienne : l’autonomie est jugée encore insuffisante. À partir du mois de mai 1918, d'Annunzio reçoit l’autorisation de préparer cette expédition avec la collaboration de la 87° escadrille, surnommée "La Serenissima", pour autant qu’au moins cinq appareils survolent Vienne. L’autonomie de 6h des S.V.A.5 est jugée limite et des solutions sont recherchées avec les techniciens de la Fabbrica Aeroplani Pomilio, l'usine de Turin qui construit également ce type d’avion. Le problème est résolu par Ugo Zagato, un jeune contremaître, grâce à une série de petits changements aérodynamiques et structurels, et l’installation d’un petit réservoir auxiliaire, probablement sous le siège du pilote. Autre problème rapidement réglé : d'Annunzio, qui n'a pas la licence de pilote, pourra voler sur un S.V.A. modifié avec l’installation d’un deuxième siège. Désigné S.V.A.9, l’appareil est malheureusement détruit dans un accident peu de temps avant le départ prévu. Les premiers exemplaires de la version biplace S.V.A.10 est alors en cours de montage, malheureusement le siège du pilote est situé à l’avant. Par conséquent, sous la direction de Giuseppe Brezzi, la disposition des sièges est inversée, ce qui nécessite de déplacer les commandes de vol et faire passer les commandes du moteur par l’extérieur, protégées par un carénage bricolé sur le côté gauche du fuselage. La mission nécessitant un réservoir de grande capacité, il est impossible de perdre tout le volume de la place avant, par conséquent un réservoir en forme de fauteuil est bricolé afin que le passager puisse s’y assoir. Ce bricolage, surnommé la "chaise incendiaire" par d’Annunzio, permet d’emporter suffisamment de carburant pour plus de 7 heures de vol. Ce S.V.A.10 modifié peut ainsi être piloté par le capitaine Natale Palli durant le "Folle Volo" (vol fou), puisque l’autorisation d’effectuer cette mission est enfin accordée. La première tentative a lieu le 2 août avec l’envol de treize appareils, à partir de l'aérodrome de San Pelagio, près de Padoue. Elle est malheureusement annulée en raison du brouillard dans les Alpes et dans la vallée du Pô. Sept avions peuvent retourner à la base et, parmi les six qui sont obligés d'atterrir dans des champs, trois appareils sont jugés irréparables. La deuxième tentative prévue le 8 août est annulée à cause de forts vents contraires qui ne permettraient pas une autonomie suffisante. Après ces deux échecs, le projet est incertain, mais d'Annunzio réussit à convaincre de retenter le coup le lendemain déjà. À l'aube du 9 août, le major d'Annunzio convoque les onze pilotes chevronnés désignés dans le hangar : les capitaines Natale Palli et Alberto Masprone ; les lieutenants Ludovico Censi, Vincenzo Contratti, Francesco Ferrarin, Aldo Finzi, Giordano Bruno Granzarolo, Antonio Locatelli, Piero Massoni, Giuseppe Sarti et le sous-lieutenant Gino Allegri. Ces pilotes de la 87° font le serment de faire tout leur possible pour arriver jusqu’à Vienne et remplir leur mission. À 5h50, les onze SVA quittent l'aérodrome de San Pelagio, près de Padoue, mais les aéronefs du capitaine A. Masprone et des lieutenants F. Ferrarin, et V. Contratti rencontrent des problèmes techniques et doivent se poser en catastrophe immédiatement après leur départ. Un peu après la frontière autrichienne, une panne de moteur oblige le lieutenant Giuseppe Sarti à atterrir, ce dernier met le feu à son avion avant d'être fait prisonnier par les autorités autrichiennes. Les sept avions restant poursuivent leur vol vers la capitale autrichienne, volant à 180km/h à 3’000m d’altitude. Ils survolent la vallée de la Drave, les montagnes de la Carinthie, puis les villes de Reichenfels et Kapfenberg sans qu’aucun avion ne les interceptent. En réalité, les deux appareils autrichiens qui les ont vus, incapables de les approcher à cause de leur vitesse, n’ont pu qu’atterrir et avertir leur commandement… mais leurs annonces n’ont pas été prises en considération et aucune alerte n’est lancée. La formation italienne doit ensuite prendre de l’altitude pour passer au-dessus d’un orage avant d’arriver au-dessus de Vienne à 9h20 en formation serrée et, grâce à une bonne visibilité, ils tournent au-dessus de la ville et descendent à moins de 800m. Dans les rues, c’est la stupeur à la vue de ces avions aux couleurs italiennes qui survolent la capitale sans que la moindre alerte n’ait été lancée et les Viennois se sentent "chocolat". Mais au lieu de bombes, c’est des centaines de milliers de feuilles de papier vert-blanc-rouge qui remplissent le ciel dans le sillage des avions. Un texte d'Annunzio est imprimé sur 50’000 de ces tracts, mais jugé difficile à traduire, c’est un texte d’Ugo Ojetti qui figure sur les autres, en italien sur une face et en allemand sur l’autre, il est écrit : "[i] VIENNOIS! Apprenez à connaître les Italiens. Nous volons au-dessus de Vienne, nous pourrions lancer des tonnes de bombes. Nous vous proposons uniquement un message bienveillant en trois couleurs : les trois couleurs de la liberté. Nous, Italiens, ne faisons pas la guerre aux enfants, aux personnes âgées, aux femmes. Nous faisons la guerre à votre gouvernement, ennemi des libertés nationales, à votre gouvernement aveugle, cruel et obstiné, qui ne peut vous donner la paix ni le pain, et vous nourrit de haine et d'illusions. VIENNOIS! Vous avez la réputation d'être intelligents. Mais pourquoi portez-vous l’uniforme prussien? Maintenant, vous voyez, le monde entier s'est retourné contre vous. Voulez-vous continuer la guerre? Continuez. Et c'est votre suicide. Qu'espérez-vous? La victoire décisive que vous avait été promise par les généraux prussiens? Leur victoire décisive est comme le pain en Ukraine: on meure en l’attendant. PEUPLE DE VIENNE, pense à ton cas. Réveille-toi ! VIVRE LA LIBERTÉ ! VIVE L'ITALIE ! VIVE l’ENTENTE ![/i]" Les avions italiens rentrent ensuite à leur base par un autre itinéraire, afin d’éviter une éventuelle tentative d’interception. Après avoir survolé Graz, Ljubljana, Trieste et Venise, ils arrivent à San Pelagio à 12h40. Le lieutenant Censi a encore assez de lucidité et de force pour réaliser deux boucles avant de poser son appareil. Les autres aviateurs se mettent en ligne pour se poser, mais ils sont tellement épuisés qu’il leur faut de l’aide pour s’extraire des cockpits. Durant ce "Folle Volo" qui aura duré 6 heures et 50 minutes, les sept Ansalvo S.V.A.5 ont parcouru plus de 1’000km, dont plus de 800 en territoire hostile, pour larguer 400'000 tracts au-dessus de la capitale autrichienne ! Le 13 août, démontrant l'esprit de chevalerie qui animait l’aviation de l’époque, un pilote autrichien survole le terrain de San Pelagio et y laisse tomber deux lettres dans lesquelles le lieutenant Sarti rassure ses compagnons et les membres de sa famille sur son état de santé. Ce raid au-dessus de Vienne, bien qu’il ait été inoffensif du point de vue militaire, semble avoir considérablement ébranlé l’opinion publique d’Autriche-Hongrie et, probablement dans une moindre mesure, d’Allemagne. Les journaux autrichiens ont critiqués leur gouvernement en faisant remarquer qu’il y aurait eu de nombreuses victimes à déplorer si les aviateurs italiens n’avaient pas survolé la ville avec des intentions pacifiques, mais qu’ils y auraient lancé des bombes.[/quote]