[quote][b][url=/v3/forum/forces-terrestres-8/topic/crise-au-nord-mali-mai-2014-3125/?post=109447#post-109447]iceʹ[/url] a dit le 19/02/2015 à 10:21 :[/b] Bonjour à tous! J'espère que je poste ce sujet au bon endroit! Les modos ne manqueront pas de me réorienter si ce n'est pas le cas! Ce petit récit est destiné à une parution dans la presse spécialisée et a été avalisé par ma hiérarchie. N'ayez donc aucune crainte sur la divulgation d'infos SD sur le forum d'AMN!!! Je rajouterai des photos un peu plus tard. LEs chiffres entre paranthèses correspondent à des notes de bas de page. Bonne lecture! Projeté sur le théâtre malien dans le cadre de l’opération « Serval » au sein du GTIA (1) Vercors, l’EAE (2) du 4e Régiment de Chasseurs (4e RCh) pose le pied sur la PfOD (3) de Gao le 11 février 2014. L’ossature du GTIA est fournie par le 7e Bataillon de Chasseurs Alpins (7e BCA) qui arme un premier sous groupement à travers une compagnie mixte à quatre sections d’infanterie. S’articulant autour de trois Pelotons de Reconnaissance et d’Intervention Anti-char (PRIAC) et d’un Peloton de Commandement et Logistique (PCL), les cavaliers de Clermont-Prince fournissent le second sous groupement du GTIA. Ces deux entités majeures sont appuyées et soutenues par diverses unités de la 27e BIM (4) : la Compagnie de Commandement et Logistique (CCL) ainsi que l’état-major tactique (EMT) du 7e BCA, 1 section de génie combat armée par le 2e Régiment Etranger de Génie (2e REG) et une équipe TACP (5) en provenance du 93e Régiment d’Artillerie de Montagne (93e RAM). La mission doit durer 4 mois et vise, en collaboration avec les forces partenaires (FAMa (6) et MINUSMA (7)), à assurer la stabilité du nord Mali en maintenant une pression permanente sur les groupes armés terroristes (GAT) qui y sévissent toujours. Pendant plus de trois mois et demi, le rythme est particulièrement soutenu pour toutes ces unités. Elles enchainent en effet les opérations au nord de la boucle du Niger dans des conditions climatiques extrêmes et malgré une tension permanente liée aux forts risques de piégeage et d’attaques directes. Fin mai, après plus de trois mois et demi de présence sur le théâtre, l’EAE entrevoit avec un certain enthousiasme le crépuscule d’une projection harassante mais d’une grande richesse opérationnelle. La chaleur écrasante et la densité des opérations menées au cours du mandat ont mis hommes et machines à rude épreuve. Guidés par un professionnalisme et une rigueur sans faille, les cavaliers des cimes ont néanmoins évité avec adresse les pièges d’un mandat au calme tout aussi relatif que trompeur. Nettoyage, réintégrations, encaissage…la fin de mandat prend forme et le « 4 » s’apprête à passer le témoin. La concentration reste néanmoins de mise et les préparatifs de départ n’affectent en rien les capacités opérationnelles de l’unité. Connus pour leur versatilité, les théâtres africains imposent une réactivité permanente et hommes comme véhicules restent prêt à intervenir là où la situation le demanderait. La visite de M. Moussa Mara, premier ministre malien, dans la ville de Kidal, fief historique de la rébellion touareg, va d’ailleurs rapidement mettre à l’essai les capacités de réversibilité de l’escadron. Les tensions entre le nord du pays, très majoritairement favorable aux mouvements indépendantistes de l’Azawad, et le pouvoir de Bamako, sont une réalité quotidienne de l’histoire moderne du Mali. Cette défiance mutuelle et les frictions régulières qui en découlent sont souvent rapidement jugulées mais se trouvent ici exacerbées par le sentiment de provocation ressenti à l’occasion de cette visite gouvernementale. Plusieurs autorités maliennes loyalistes sont assassinées et la coalition des différents mouvements rebelles Touaregs, MNLA (8) en tête, s’empare des bâtiments officiels de la ville. La crise est consommée, l’ombre d’un affrontement direct entre les Forces Armées Maliennes et les indépendantistes se précise au fil des heures. En effet, ayant perdu le contrôle de la cité et vexées de leur incapacité à protéger et escorter efficacement leur premier ministre, les chefs militaires de Kidal lancent une opération visant à reprendre possession des différentes entités gouvernementales de la ville. L’armée malienne essuie alors un premier revers qui aurait dû valoir d’avertissement. A Gao, l’état d’esprit de la population a radicalement changé et l’escadron reçoit l’ordre de se tenir prêt à repartir vers le nord pour une opération d’envergure devant impliquer l’intégralité du GTIA Vercors. La montée en puissance de l’unité est particulièrement rapide et efficace. Le sous groupement Azur est en effervescence ; commandant d’unité (CDU) et chefs de peloton, parfaitement secondés par les responsables logistiques, remettent l’escadron en ordre de combat en moins d’une demi-journée et en cette après-midi du 20 mai, seul manque l’ordre formel de départ. Il n’arrivera que quarante-huit heures plus tard après de multiples changements d’objectif et de format. Pendant cette phase de latence, les sorties sur Gao se poursuivent mais dans une ambiance tendue qui tranche radicalement avec le reste du mandat. Une mission d’escorte d’autorités dans la ville de Gao viendra confirmer cette impression: Azur 20 (2e peloton du 4e escadron) fait face à deux barrages de jeunes manifestants dénonçant la passivité de Serval dans la crise qui se joue alors au nord. Le pouvoir de dissuasion de la force évite de basculer dans une confrontation ouvertement hostile mais le ton est donné, l’ambiance générale au nord Mali vient de changer radicalement. Cela est d’autant plus vrai que l’armée malienne vient de subir une cinglante défaite à Kidal provoquant un repli massif et désordonné de toutes ses unités stationnées au nord du fleuve Niger. En effet, sans aucune autorisation politique préalable et sur une initiative unilatérale, les FAMa présents à Kidal (largement renforcés au cours des derniers jours) se lancent à la reconquête de la ville. Les combats sont acharnés mais rapides et le bilan sans appel. L’offensive a été stoppée, les FAMa balayées et le gouvernement affaibli par une armée défaite et sur laquelle il n’a visiblement plus aucun contrôle. La nouvelle se répand telle une trainée de poudre et, la plupart du temps sans combattre, les garnisons du nord se replient vers le sud, laissant libre champ à la rébellion. Les colonnes de pick-up maliens affluent vers Gao dans une désorganisation totale, le nord du pays est livré à lui-même et à l’administration parallèle touareg. Le 22 mai en milieu d’après-midi, malgré le refus catégorique des forces maliennes présentes sur Gao de remonter vers le nord, l’ordre de départ arrive enfin. Le format retenu est celui d’un sous groupement mixte sous commandement Azur composé comme suit : 1 cellule commandement avec CDU (Ascalon) et OA2 (9) (Azur Bravo), TC1 (10) (Azur Charlie), 2 PRIAC (Azur 10 et 20), 1 section d’Infanterie (2e Cie du 7e BCA/Vert 10), 1 groupe génie avec chef de section (13e Régiment du Génie/Noir 10), 1 groupe EOD (11) (13e RG/Noir 3) et 1 équipe TACP (Armée de l’air/Aquila 1). L’objectif de ce déploiement est de pré positionner des troupes au nord du fleuve Niger avec effort majeur sur l’axe Gao-Anéfis afin de renseigner sur la situation sécuritaire dans la zone puis d’appuyer le retour des FAMa dans les différentes emprises abandonnées quelques jours plus tôt. L’interrogation majeure du commandement est celle de l’exploitation possible par les GAT de la situation sécuritaire chaotique qui règne dans la région. Le sous groupement reçoit alors pour mission d’effectuer un raid blindé de près de 150km sur les pistes du nord avec en limite de bond le village d’Almoustarat. La nuit tombant à 18h00, les délais sont extrêmement contraints et il est nécessaire d’adopter une vitesse de progression forcée qui, par la chaleur extrême, risque de mettre à mal une mécanique déjà fragilisée par plusieurs mois d’engagement intensif. Le moindre problème technique risque de compromettre la mission mais les options sont limitées et l’objectif est clair, il faut reprendre le contrôle de la route du nord au plus vite afin de ne pas perdre le bénéfice de plusieurs mois d’opération. Le renseignement fait de surcroît état d’un BM-21 (armé de 40 roquettes de 122mm) abandonné par l’armée malienne à proximité de l’axe Gao-Almoustarat et qu’il convient de le retrouver avant qu’il ne tombe entre de mauvaises mains. C’est donc à vitesse forcée qu’à 15h cette imposante colonne débute sa progression selon une articulation classique mais efficace et éprouvée depuis le début du mandat. Azur 20 accompagné d’Ascalon éclaire la progression, Azur 10 et les éléments génie appuient la progression du peloton de tête et Vert 10 assure l’escorte du TC1 ainsi que d’Azur Bravo et Aquila 1 (inséré dans le dispositif d’Azur Charlie). La progression est rapide mais à 17h, Almoustarat est encore loin et le BM-21 échoué apparaît sur notre axe de progression. Le drone MQ-9 Reaper (12) qui scanne la zone en amont de la progression de la colonne depuis son départ de Gao repère le véhicule suspect à proximité de Tin-Aouker (13). L’objectif du sous groupement est désormais double, reprendre le contrôle du BM-21 tout en disposant au moins d’un élément en surveillance des lisières sud d’Almoustarat le soir même. La tension monte alors d’un cran lorsque des éléments armés non identifiés s’affairant autour du véhicule abandonné sont repérés par le drone. Celui-ci étant à moins de 20km de la colonne et donc sans risque de perte de liaison radio, le PRIAC de tête arme son armement de bord et fonce vers l’objectif. Renseigné en temps réel par le drone et l’intermédiaire d’Aquila 1, le peloton dispose en permanence d’une situation tactique claire et actualisée. N’ayant pas été en mesure de tracter l’imposante pièce d’artillerie et craignant l’arrivée de la force Serval, les personnels suspects l’ont à leur tour abandonné. Pendant ce temps, Azur 10, au niveau du TC1, se réarticule en liaison avec Azur Bravo afin de poursuivre sa progression vers le village d’Almoustarat. Les élongations entre les différents éléments de l’escadron étant de plus de 50km, la présence du VAB Carthage, capable de communiquer par liaison satellite sécurisée, est primordiale. En effet, Azur 10 sera bientôt l’élément isolé le plus au nord du dispositif français dans cette région chaotique, à plus de 2h de piste de tout renfort possible. Le dispositif escadron s’articule alors en deux éléments distincts avec un peloton sur Almoustarat et le reste du sous groupement au niveau du BM-21. La situation est calme mais avec un effectif limité et divisé, elle n’est pas rassurante pour autant. Contraint de sécuriser une zone à 6km au nord du village de Tin-Aouker dû à la découverte fortuite du BM-21, une partie de l’escadron s’apprête à passer la nuit sur place avant de relancer son action vers Almoustarat. Le calme de la nuit ne sera ponctué que par un tir de sommation en direction d’une moto civile non armée qui, malgré les mises en garde, ne s’arrêtera qu’au grondement de l’ANF1. Envoyé en reconnaissance par les éléments de la rébellion touareg, les deux motards renseignaient sur notre dispositif. Ils remplirent donc leur mission mais ne pourront le faire savoir à leur commanditaire. Ils passeront en effet la nuit privés de leur téléphone portable et des clefs de leur deux-roues afin de les empêcher de transmettre toute information à leur chef. Le lendemain, la situation se complique et l’arrêt inopiné dans la région de Tin-Aouker va en réalité se prolonger bien plus longtemps que prévu. Le PC (14) annonce en effet que le GTIA malien Waraba est actuellement en déplacement vers le nord et doit faire jonction avec Azur dans un délai inconnu. Devant faire face à d’importants problèmes de communication avec ses éléments sur le terrain, le PC malien est incapable de fournir la position ou l’heure d’arrivée estimée de son unité. Dans le village la situation est tendue car, profitant de son écrasante victoire sur les FAMa, le MNLA a pris le contrôle de points stratégiques et installe à sa guise des check-point sur les principaux axes de communication. En réalité, ces derniers deviennent rapidement des lieux de racket privilégié envers les véhicules qui osent encore circuler dans la zone. Bien qu’étant considéré comme GAS et n’étant pas en conflit avec la France, il est intolérable que des éléments rebelles installent des points de contrôle sur un territoire souverain en présence d’une force qui travaille justement à maintenir l’intégrité territoriale du pays considéré. Les ordres sont clairs, le check-point doit disparaitre en utilisant la force si nécessaire. Les négociations sont tendues mais franches et empreintes de respect mutuel. Le village est cerné par un PRIAC missiles MILAN à poste et les objectifs potentiels à l’intérieur de la localité (9 pick-up dont 5 armés 14.5mm et environ 35 combattants armés AK-47) sont répertoriés et priorisés. Il est cependant clair que si la situation dégénère, les combats risquent d’être violents. La détermination affichée par la force Serval est néanmoins payante, le check-point est démonté et les combattants se retirent du village pour éviter toute confrontation avec les FAMa. Il a en effet été convenu que ces derniers traverseraient le village sous escorte française à leur arrivée à Tin-Aouker. La liaison avec le GTIA Waraba sera finalement établi le soir-même et la traversée se passera dans le calme. Au matin du 3e jour d’opération, les 38 roquettes sont détruites par la section génie et le BM-21, tracté par le CLD (15) du TC1, rejoint Almoustarat avec le GTIA malien et le reste des éléments Azur. Arrivé pour sa part sans encombre au sud d’Almoustarat, Azur 10 a installé son dispositif de surveillance face au nord à partir des entrées sud du village et, par un travail minutieux auprès de la population locale, a renseigné deux jours durant sur les activités touareg ou terroriste dans la zone. Une fois sur Almoustarat, le GTIA Waraba s’installe sur l’ancienne emprise FAMa de la ville et le sous groupement débute une phase de contrôle de zone de 36h avant de repartir vers le village de Tabankort où des activités terroristes ont été rapportées les jours précédents. Situé à une cinquantaine de kilomètres plus au nord sur la route d’Anéfis, ce village aurait été le théâtre d’affrontements ces dernières heures et il importe pour l’escadron de sécuriser cet axe de progression majeur vers Tessalit et Kidal. Vert 10 reste sur place pour appuyer les forces maliennes dans leur réappropriation de la zone et établir la liaison avec la relève, le GTIA Dio, dont le départ de Gao est imminent. L’opération sur Tabankort est réalisée en étroite coopération avec Sabre (16) dont l’action dépendra des informations recueillies dans la zone. Une fois de plus les délais sont contraints et malgré le feu moteur qui mettra hors de service un VBL durant la progression, les deux pelotons de reconnaissance et le TC1 réduit rejoignent leur position respective dans le temps imparti. Une fois l’appuie fournit par Azur 10 en place, le second PRIAC lance la reconnaissance du village, le coiffe et en sécurise le centre pour permettre d’établir la liaison avec les autorités locales en toute sécurité. Malgré un nombre important de pick-up armé dans la zone et plusieurs heures de discussion, il est difficile de démêler le vrai du faux ou le GAS du GAT. Ces derniers auraient apparemment quitté la zone lors de notre approche et le sous groupement reçoit alors l’ordre de redescendre sur Gao après une nuit de bivouac au sud d’Almoustarat. La relève est déjà sur place lorsque l’escadron entame sa phase de retour et, après avoir récupéré ses éléments restés sur Almoustarat, le sous groupement rejoint Gao sans encombre. Les théâtres africains sont connus pour leur versatilité et la rapidité avec laquelle le nord Mali a basculé dans la crise le prouve une nouvelle fois. Malgré un contexte de relève qui aurait pu mettre à mal les capacités d’action de la force Serval, l’extrême réactivité des unités présentes, tant montantes (13e RG) que descendantes (27e BIM), a permis de ne pas laisser la situation totalement basculer. Par sa manœuvre rapide et efficace, le sous groupement n’a laissé ni le temps ni le terrain qui auraient pu permettre aux GAT de reprendre la main sur la région. La parfaite intégration des moyens interarmes et interarmées mis en œuvre dans cette opération a fait merveille et prouve s’il en est encore besoin que la compréhension mutuelle entre les différents acteurs est indispensable pour permettre une manœuvre claire et efficace. 1- GTIA: Groupement Tactique Inter-Armes 2- EAE : Escadron d’Aide à l’Engagement 3- PfOD : Plateforme Opérationnelle Désert 4- BIM : Brigade d’Infanterie de Montagne 5- TACP : Tactical Air Control Party. Chargé de la coordination des appuis qu’ils soient terrestres ou aériens. 6- FAMa : Forces Armées Maliennes 7- MINUSMA : Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali 8- MNLA : Mouvement National de Libération de l’Azawad 9- OA2 : Officier Adjoint n°2 de l’escadron 10- TC1 : Train de Combat de niveau 1 : soutien logistique de niveau escadron armé par le PCL et renforcé d’éléments du bataillon logistique. 11- EOD : Explosive ordnance disposal 12- Mis en œuvre par l’armée de l’air à partir de Niamey (Niger). Les images qu’ils captent sont transmises en temps réel à Aquila 1. 13- Village en bordure immédiate de la piste principale du nord, 50km sud d’Almoustarat. 14- PC : Poste de commandement 15- CLD : Camion Lourd de Dépannage 16- Sabre : Nom donné à l’opération des forces spéciales dans la bande sahélienne.[/quote]